Trois ans après les attentats de Bruxelles, la Belgique poursuit sa politique de l’autruche face à l’islamisme. Au grand dam des rescapés.
Le 22 mars 2016, un épais manteau de brume enveloppait Bruxelles au lever du jour. Une fois dissipé, le soleil a repris ses droits. Les seules préoccupations du jour auraient dû se limiter au registre vestimentaire. Laisser sa grosse veste au porte-manteau? Oser les sandales (non sans avoir pris le temps de poser du vernis) ?
Au chaos succède l’oubli
En cette journée marquée du sceau de l’insouciance printanière, bien peu de choses étaient là pour rappeler à la population que des vies et des membres ont été arrachés par des bombes de l’Etat islamique et qu’il y a trois ans, l’aéroport de Zaventem et la station de métro de Malbeek située en plein cœur du quartier européen se sont subitement transformés en théâtre de guerre.
Hier, 22 mars, on aurait pu imaginer toutes les sirènes de Bruxelles retentir pour célébrer le dévouement des services de secours et associer l’ensemble de la population à la douleur de ceux qui ont péri ou survécu aux attentats. Rien de cela !
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Par la grâce du déni, au chaos succède l’oubli. Il y a bien eu une minute de silence et quelques discours de victimes. Mais comme son nom l’indique, la minute de silence ne fait pas de bruit ; elle ne fait pas de vague. Elle offre à ceux qui souffrent l’occasion de continuer à souffrir en silence alors qu’ils seraient nombreux à vouloir hurler leur douleur.
On parle de commémorations. Mais sur quoi devraient-elles porter ? Sur l’énième acte d’une guerre que l’on n’en finit pas de déclarer à l’Occident depuis le 11 septembre 2001 ? Au lendemain de chaque attentat, les autorités se fendent d’un discours au ton martial avec du « war on terror » en guise de refrain. Et puis rien. Tout s’évanouit faute d’un Churchill et d’un Patton pour donner un peu de consistance à ces postures guerrières.
32 morts et des centaines de blessés
En Belgique, l’incompétence des ministres qui se sont succédé durant de trop longues années à la tête de la Justice et de l’Intérieur a eu un terrible coût : 32 morts et des centaines de blessés, sans compter les victimes de Nemmouche, un autre soldat de l’EI dont la condamnation a perpétuité est tombée la semaine dernière.
Ironie du sort, l’ex-ministre de l’intérieur, Joëlle Milquet, qui ne refusait pas un selfie avec un djihadiste, avait démissionné en 2014 après avoir été inquiétée par la justice pour de possibles emplois fictifs destinés à « sensibiliser » des électorats de niches ethniques. Recasée à la Commission auprès de Jean-Claude Junker qui l’avait mandatée pour remettre un rapport portant sur les victimes du terrorisme, elle a finalement accouché le 11 mars dernier d’un document ponctué de yakas, véritable un manuel d’enfonçage de portes ouvertes.
De leur côté, les victimes des attentats attendent beaucoup plus des autorités qu’elles jugent défaillantes tant sur l’action préventive par rapport à cette vague d’attentats que sur la prise en charge et la réparation des dommages.
Assumons la guerre
Parmi les voix qui parviennent à déchirer le silence de bon aloi, celle de Karen Northshield, vent debout. Ancienne nageuse de haut-niveau, elle doit son salut à une condition physique hors du commun et à un mental à l’épreuve des balles. Polytraumatisée et toujours hospitalisée pour une durée encore indéterminée elle demande aux autorités de reconnaître le statut d’invalide de guerre aux victimes d’actes terroristes. Une telle reconnaissance serait de nature à faciliter les démarches des victimes. Mais ce serait aussi une grande avancée sur le plan symbolique. A l’heure où de nombreux Etats s’ouvrent sérieusement à la perspective d’un retour des familles de combattants djihadistes, pas sûr qu’ils choisissent de se ranger du côté des victimes en édictant des dispositions qui conduiraient à coucher le mot « guerre » dans une disposition légale.
A Zaventem, la statue emblématique qui habitait le hall des départs de l’aéroport, « flight in mind », endommagée lors des attentats a été restaurée pour être pudiquement exfiltrée et reléguée dès 2017 à l’extérieur du bâtiment dans un « Memorial Garden » qu’aucun voyageur ne visitera. Planquez cet attentat que je ne saurais voir ! In memoriam, oui, mais a minima ! Ceci n’est pas une guerre…
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