Villejuif (AFP) – L’un imagine « un gars qui tire dans la foule, aveuglément, pendant la célébration ». L’autre du sang, « des corps blessés, des gens tués ». Au cœur des conversations à Villejuif (Val-de-Marne) après la messe dimanche, l’attentat évité une semaine plus tôt contre au moins une église de la ville.
« Ici, il n’y a que des gens désarmés : des petits vieux, des femmes, des enfants ! », souligne Nicolas, un étudiant d’une vingtaine d’années, devant les portes de l’église Saint-Cyr-Sainte-Julitte, la plus grande de la ville.
L’édifice fait partie des cibles présumées de Sid Ahmed Ghlam, un Algérien de 24 ans arrêté dimanche dernier et mis en examen pour un projet d’attentat contre « une ou deux églises » de Villejuif, selon les enquêteurs.
Cet étudiant en informatique est également soupçonné d’avoir tué par balle, le jour de son arrestation, Aurélie Châtelain, une mère de famille de 32 ans, venue dans le Val-de-Marne pour suivre une formation professionnelle.
Il se serait blessé à la jambe au moment des faits, ce qui aurait mis fin à son entreprise et conduit à son arrestation. Un « signe » de Dieu, pour le père Philippe Louveau, le curé de l’église.
« Nous pensons qu’Il n’est pas tout à fait étranger à ce que les médias qualifient de hasard ou de coup de chance », lance-t-il aux fidèles pendant la messe, comparant Aurélie Châtelain à un « rempart innocent, placé (…) entre un terroriste » et eux.
Le fruit de la quête sera remis à la famille de la jeune femme lors de ses obsèques mercredi dans sa ville de Caudry (Nord), ainsi que plusieurs cartes signées par les fidèles. « Merci à toi, Aurélie, d’avoir donné ta vie pour nous », peut-on lire sur l’une d’elles.
« Tôt ou tard, il fallait bien s’attendre à ce que les catholiques eux aussi soient pris pour cible, poursuit le prêtre. Nous échappons de peu à ce qui aurait pu être un massacre ».
Les 300 personnes présentes – affluence classique ici un dimanche matin – l’écoutent religieusement. Dans l’assemblée, un homme frotte ses yeux rougis. Puis une femme fond en larmes au micro, au moment d’appeler à prier, aussi, pour Sid Ahmed Ghlam, « ce jeune déboussolé, embrigadé dans le terrorisme ».
« Qu’il découvre que l’amour rend plus heureux que la haine », bredouille-t-elle entre deux sanglots.
Pas facile pour tout le monde. « Même avec une foi catholique, on ne peut pas admettre que des gens commettent de tels actes », estime Claude Letel, un fidèle de 84 ans. Lui aussi s’est imaginé parmi les victimes.
« Mentalement, ces évènements changent beaucoup de choses. Matériellement, on va faire en sorte que ça ne change rien », ajoute-t-il.
Seule mesure de sécurité visible : un véhicule de police ostensiblement stationné devant la petite église, bâtie entre le 13e et le 16e siècle. Mais plusieurs policiers en civil patrouillent à l’intérieur de l’édifice, dont les portes latérales, habituellement ouvertes, ont été verrouillées.
« La prudence » règne aussi chez les fidèles. « Je regarde à gauche, à droite, pour voir si je ne vois pas quelqu’un de suspect », confie Robert Sida, un électricien de 37 ans, assis au milieu de l’église. « C’est juste l’instinct de survie ».
Un autre, spécialement venu d’une commune voisine, confesse avoir « fait le tour du quartier » avant de venir à la messe. « On a peur », dit-il. « Et on peut avoir peur, parce qu’on est sans défense ».
*Photos : ©afp.com / FRANCOIS LO PRESTI
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !