Un 25 juillet à la station de RER Saint-Michel…


(Avec AFP) – Arlette Royer a continué de prendre le train. Mais elle n’a jamais oublié le « grand claquement » de la bombe qui, le 25 juillet 1995 à la station RER Saint-Michel, a fait 8 morts et plus de 150 blessés, premier d’une longue vague d’attentats islamistes en France. C’était il y a 20 ans exactement.

Cette pétillante employée de banque, aujourd’hui âgée de 59 ans, a vécu l’explosion « au ralenti ». Le train de la ligne B du RER entre dans la gare de Saint-Michel lorsque la bonbonne de gaz de camping remplie de poudre noire, d’écrous, de vis et de clous saute. Le Groupe islamique armé (GIA) a frappé.

Le tympan gauche perforé, Arlette parvient à s’extraire du train et monte l’escalier pour fuir cet enfer, avec une seule idée en tête : « Retrouver mes enfants », dit-elle.

Martine Boutros-Lescoat, agent de la RATP, plonge au contraire dans les entrailles de la station. « Ce qui m’a frappée, se souvient cette autoritaire septuagénaire, c’est le silence ». Une épaisse fumée s’échappe du wagon. Asthmatique, Martine préfère battre en retraite pour demander de l’aide. « Je m’en voudrai toute ma vie », confie-t-elle, se disant « hantée ».

Claude Cancès, qui dirige alors la police judiciaire parisienne, arrive en même temps que les secours. De son bureau du 36, quai des Orfèvres, à un jet de pierre de là, il a entendu l’explosion et a « aussitôt pensé à un attentat ».

« Abasourdi », il découvre des passagers gisant sur le quai, certains encore prisonniers du wagon rougeoyant. « Ça m’a rappelé l’accident de train de la gare de Lyon, en 1988 (56 morts), avec les mêmes scènes de corps déchiquetés. L’horreur. »

attentat RER Saint-Michel 1995

A 500 km de là, en vacances à Royan (Charente-Maritime), Annick et Jean-Claude Brocheriou apprennent l’attentat par la radio. « J’ai senti qu’elle était dans ce train », confie Annick. Véronique, leur fille, emprunte quotidiennement cette ligne et a l’habitude de monter en milieu de rame. Le paquet mortel se trouvait sous son siège.

Sortie plus tôt du travail « parce qu’il faisait beau », « elle a été tuée sur le coup », murmure Annick.

L’attentat, commandité par le GIA qui veut punir la France pour son soutien à Alger, est le premier d’une série qui fera au total 12 morts et près de 200 blessés jusqu’en décembre 1996. Claude Cancès se souvient de ces nuits « quand on vous appelle et vous avez peur que ce soit pour un nouvel attentat ».

Les principaux responsables sont aujourd’hui morts ou en prison. L’un d’eux, Smaïn Aït Ali Belkacem, condamné en 2002 à la réclusion à perpétuité, a refait parler de lui à l’occasion des attentats parisiens de janvier : Amédy Coulibaly et l’un des frères Kouachi avaient été arrêtés en 2010, soupçonnés de préparer son évasion.

Les récents attentats « me rappellent cette époque, confie M. Cancès. Avec la différence que les auteurs venaient de l’étranger et repartaient. Aujourd’hui, ce sont des gens implantés en France ».

Le 11 janvier 2015, Arlette, Martine et M. Cancès ont défilé, anonymes parmi les millions de Français, après la mort de 17 personnes dans les attentats des jours précédents. « J’y suis allée par devoir, pour ceux qui n’étaient plus là. Je n’aurais raté ça pour rien au monde », assure Arlette, qui a manifesté à Paris.

Après l’attentat de Saint-Michel, pour « tenter de comprendre », elle s’est lancée dans des études de criminologie. Elle commencera son doctorat l’année prochaine. Son sujet de recherche : la radicalisation des jeunes et des femmes. On suppose qu’il s’agira notamment d’un certain type de radicalisation…

*Photo : © AFP Pierre Boussel



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