Six mois après l’attentat islamiste qui a tué 22 spectateurs d’un concert pop, l’ex-bastion industriel du nord de l’Angleterre panse ses plaies. Hipsters, musulmans, retraités et petits Blancs déclassés communient dans un très british unanimisme multiculti. Reportage.
« J’ai passé toute la journée au lit/J’arrête de regarder les infos/Parce que les infos réussissent à nous effrayer », chante Morrissey[tooltips content= »I spent the day in bed/Stop watching the news/Because the news contrives to frighten you« ]1[/tooltips].
Si l’ex-leader des Smiths apparaît las et recru de fatigue dans son dernier clip, peut-être est-ce à cause des polémiques nées de sa réaction à l’attentat de Manchester. Le 22 mai dernier, après qu’un kamikaze d’origine libyenne natif de la ville a tué 22 personnes et blessé 116 autres en se faisant exploser lors d’un concert pour enfants, le chanteur de 58 ans a en effet laissé parler son cœur de Mancunien. « Quand [Theresa May] dit que l’attentat “ne nous brisera pas”, cela signifie que cette tragédie ne la brisera pas elle, et sa politique d’immigration », écrivait-il sur sa page Facebook, non sans attaquer la langue de bois du maire travailliste : « Andy Burnham affirme que l’attentat a été perpétré par un extrémiste. Un extrémiste de quoi ? Un lapin extrémiste ? »
« L’attentat a été un choc mais il a uni la ville. »
En débarquant à Manchester, je m’attendais à entendre de semblables diatribes dans la bouche de prolos au chômage courroucés par la crise et l’immigration. C’est plutôt un nuage de fatalisme qui plane sur la métropole. En voyant étalées en pleine ville des bannières de louange au martyr chiite du VIIe siècle Hussein, j’ai bien failli avaler mes scones de travers !
Une fois mon esprit mis en condition, j’ai été moins désarçonné par les effigies de femmes voilées sur les affiches du tramway et de l’office du tourisme. Welcome to the UK : la communauté prime l’individu. Mais oublions l’ethnocentrisme républicain, quitte à jouer les Usbek et Rica des Lettres persanes, autant donner la parole aux Mancuniens du quotidien.
Première halte aux abords de la Beetham Tower, point culminant de la ville. Entre les cheminées et les friches désaffectées, l’ancienne « Cottonopolis » se rappelle à notre souvenir. Des constructions architecturales contemporaines audacieuses, sinon réussies, côtoient de vieilles bâtisses rouge brique. Liam et Beth m’ont donné rendez-vous dans un pub branché bâti entre les canaux qui servaient à transporter le coton entrant et sortant des fabriques à l’époque où Engels y écrivait La Situation de la classe ouvrière en Angleterre. Le couple de hipsters habite à quelques pas de ce quartier postindustriel où résonnent encore de vieux échos New Wave et Brit Pop. Quinze ans durant, la scène underground
