Accueil Brèves Attentat de Sarcelles : les témoins entre peur et déni

Attentat de Sarcelles : les témoins entre peur et déni


Je descendais du bus quand j’ai entendu une déflagration. Elle venait du supermarché casher Naouri à 300 m de là. Le magasin se situe dans le centre commercial des Flanades, mais à l’extérieur, sur l’ avenue Auguste Perret, l’une des trois grandes artères de Sarcelles. Il me fallut du temps pour comprendre d’où était venue l’explosion, grâce aux premières sirènes de police. Quand j’arrivais sur les lieux, des cordons de sécurité empêchaient déjà tout accès au magasin. Je me mis à questionner les passants.

« Un cocktail Molotov a été balancé contre la porte du magasin par deux hommes en noir cagoulés. « Tout s’est passé très vite. Ils se sont enfuis. », « Le commissaire est là avec le maire… », « Il y a juste un blessé léger et la caissière est très choquée ».
C’était l’heure du déjeuner. Il n’y avait pas la foule habituelle des Flanades et de Sarcelles en général. Mais malgré son petit nombre, toujours le même panel représentatif propre à la ville : femmes arabes, juives, hommes à kippa, Africains, jeunes beurs etc. Après avoir récolté ces premières infos vagues, je décidai de poser ici et là d’autres questions.

Qui a pu faire ça d’après vous? Vous avez peur ? Vous en pensez quoi ?
Et voici les réponses : les femmes arabes soupiraient que « c’est des jeunes idiots, ils font ça pour s’amuser, faut pas faire attention ».
Les jeunes (filles ou garçons) arabes affirment qu’ « on sait pas qui a fait ça … ». Et ils n‘en diront pas plus.
Les femmes juives : « Il n’y a pas de blessés, tant mieux, ce n’est pas aussi grave que ça aurait pu ». Un garçon à kippa, refusant manifestement de parler, prend la tangente; « Je le connaîs le gars qui est blessé ».
Et enfin un vieil homme juif que je croise parfois osa : « C’est un signal, ma fille. »

Banalisation pour les uns, minimisation de circonstance et ton apeuré chez les autres, le désir de ne pas envenimer l’atmosphère est palpable. J’avais dans mon sac la carte de vœux du maire envoyée à la communauté juive pour la nouvelle année. On y lit que « face à l’antisémitisme qui s’exprime dans notre pays avec violence on peut compter sur sa vigilance et qu’il le combattra avec force en prenant toutes les mesures qu’il convient. ».

Sarcelles, ville phare, touchée aujourd’hui par ce qu’on sait à présent n’être qu’une grenade d’exercice et un pavé balancés sur un magasin juif devrait être un signal/symbole très fort pour le pays tout entier. Quelle rêveuse je suis : j’oublie que ni nos dirigeants ni nos concitoyens ne se sont jusque-là alarmés du fait que les jeunes juifs ne fréquentent plus les écoles publiques de cette ville, fondée en grande partie par leurs parents et grands-parents .



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Maya Nahum est auteur.

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