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Annecy: combien de temps durera l’indignation, cette fois-ci?

Six personnes blessées, dont quatre enfants, dans une effroyable attaque au couteau


Annecy: combien de temps durera l’indignation, cette fois-ci?
Annecy, 8 juin 2023 © Mourad ALLILI/SIPA

Ils étaient âgés de trois ans…


Dernière minute. Six personnes ont été blessées, dont quatre jeunes enfants. Cette attaque s’est produite dans les jardins de l’Europe, près du lac d’Annecy. Peu après 15 heures, le procureur de la République d’Annecy, Mme Line Bonnet-Mathis, aux côtés du Premier ministre, a indiqué qu’une enquête était ouverte pour « tentatives d’assassinats » et qu’il n’y avait « aucun mobile terroriste apparent », que l’auteur des faits était en garde en vue à Annecy et que ses motivations restaient à déterminer. Mme Borne a précisé qu’il s’agissait d’un Syrien ayant le statut de réfugié en Suède depuis 10 ans. Individu isolé, SDF, il aurait demandé l’asile en France plus récemment, ce qui lui aurait été refusé.


Ils étaient âgés de trois ans. Cela n’a pas empêché l’homme de les poignarder. Aujourd’hui, le pronostic vital de certains de ces enfants et d’un adulte est engagé. Que s’est-il passé dans ce parc à Annecy ? D’après les premières informations de la préfecture, un demandeur d’asile syrien, Abdalmasih H., âgé de 31 ans, aurait attaqué au couteau des enfants qui jouaient dans le parc jouxtant l’école du quai Jules Philippe.

La nation en état de choc

Tout dans cette affaire est choquant. Et d’abord le fait de s’en prendre à des tout-petits. « Comment est-ce possible ? » a écrit Jean-Luc Mélenchon. On aimerait pouvoir faire preuve d’autant de candeur dans l’analyse, mais force est de constater que ce genre d’atrocités se multiplie et que les profils des meurtriers ont beaucoup en commun. Et pas seulement leur déséquilibre psychologique.

Ils détestent la civilisation occidentale vue comme mécréante et matérialiste et ils sont fascinés par l’idéologie ou les méthodes de l’islamisme, sa puissance de mobilisation et son usage decomplexé de la violence qui lui permet d’imposer sa vision du monde au-delà des rangs de ses adeptes. Ceux qui viennent de ses régions, Syrie, Irak, ont vu ou participé à des horreurs, accumulent les traumatismes.

Si à cette heure les motivations de l’assassin ne sont pas explicites, le fait qu’il soit Syrien interpelle et nous replace dans un contexte de violence islamiste.

L’attentat rappelle aussi les meurtres de Mohammed Merah dans l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012.

On peut rappeler aussi que, si l’homme était désespéré de ne pas voir sa demande d’asile aboutir en France, s’immoler par le feu aurait eu plus de sens que de rejouer le massacre des innocents dans le jardin de l’Europe. Car c’est ainsi que s’appelle le lieu du crime. Tragique ironie.

La question de l’asile était déjà au cœur du débat politique

Cet homme n’était fiché nulle part et pourtant il vient de faire preuve de sa dangerosité. Ce qui pose la question de notre capacité à savoir qui on accueille sur notre territoire alors qu’un certain nombre de réfugiés viennent de zones où la violence islamiste est dominante. Au sein de l’Etat islamique, des enfants ont été tués pour avoir regardé un match de football, d’autres ont été filmés en train de décapiter des prisonniers ; on sait que ces régions sont la proie du chaos, de la haine religieuse, ethnique et tribale qui y donne toute sa mesure… Dans ces espaces où règne la guerre, il n’y a pas de place pour la prise en compte de l’enfance et la notion même d’innocence est perdue.

Là où règne le chaos et la violence, les personnes sont abîmées et l’on sait que les victimes de violence peuvent devenir auteurs de ces mêmes violences. Or, ils sont souvent accueillis comme le seraient des migrants économiques. On se soucie peu des ravages que produisent sur la psyché des individus les actes de guerre et de barbarie qui sont le lot de nombres d’habitants de Syrie ou d’Irak. Que certains demandeurs d’asile puissent être des prédateurs recouverts de peau de mouton est un fait. Que leur identification soit souvent impossible en est un autre. D’abord parce que si on connait bien les dirigeants, on ignore souvent le nom des nervis, ces exécuteurs de basse-œuvres. Pire même, appartenir au clan des bourreaux n’est pas rédhibitoire pour faire une demande d’asile. C’est comme cela que la France a accueilli sur son sol des militants et dirigeants du Front Islamique du Salut après la guerre civile en Algérie, au motif que ces islamistes risquaient la persécution après l’avoir eux-mêmes pratiquée.

Cette énième affaire où le meurtrier est demandeur d’asile rend de plus en plus nécessaire le débat sur le dépôt des demandes d’asile dans les pays-tiers. Et ce d’autant plus que l’on sait pertinemment qu’une fois arrivés en France, mêmes déboutés, les demandeurs d’asile restent. Mais soyons francs, ce qui fait peur dans cette histoire n’est pas le statut du meurtrier, mais bel et bien les représentations idéologiques et culturelles dans lesquelles il baigne et qui l’ont amené à n’avoir aucune humanité et aucune empathie à l’égard de tout petits. Comme s’ils n’étaient que des rejetons d’une société honnie, indignes même d’être pris en considération. L’ampleur d’une telle haine fait froid dans le dos. D’autant plus froid que ceux qui alimentent cette déshumanisation sont aussi présents sur notre territoire et sèment les mêmes graines de ressentiment et de violence.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous avons plus de questions que de réponses au sujet de ce drame qui frappe Annecy et les Français en leur cœur : Abdalmasih H. avait-il prémédité l’attaque d’enfants en bas âge ? Quel était l’état exact de sa situation administrative sur notre sol ? Combien de temps durera l’indignation ? Les attentats contre l’école toulousaine ou contre Samuel Paty ont démontré qu’il n’y a pas d’ « avant » et pas d’ « après », même si les Français n’oublient pas.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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