Le président incarne-t-il vraiment « le camp de la raison et de la République », comme le prétend Clément Beaune, notre Secrétaire d’État chargé des affaires européennes ? Alors que la présidentielle approche, les macronistes devraient se méfier de ne pas retomber dans leur orgueil originel…
Le combat politique a ses exigences et ses inévitables partialités. Surtout quand l’échéance présidentielle est proche de quelques mois. Mais je ne parviens pas toujours à m’habituer à certaines dérisions, moqueries faciles lorsqu’elles émanent du pouvoir et notamment de la part du porte-parole Gabriel Attal dont je sens le talent et la volonté de sincérité parfois gênés par le conformisme obligatoire qu’on attend de lui. Certes, quand il déclare « Bertrand, c’est Monsieur Y a qu’à » et Pécresse « Madame faut qu’on », il fait rire et la formule, pour n’être pas originale, relève d’une ironie dont à l’évidence les personnes visées vont pouvoir se remettre. Gabriel Attal reproche à l’une comme à l’autre une absence de propositions.
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Ce qui est d’abord une critique injuste, puisqu’au contraire ces dernières semaines ont démontré l’inverse, quelle que soit la pertinence de leur projet. Par ailleurs, cette attitude qui consiste à renvoyer à l’opposition la charge de démontrer qu’elle ferait mieux est ordinaire et paresseuse. À supposer même que ces deux candidats pour 2022 aient été chiches en idées pour le futur, ce qui n’est pas exact, dans l’arbitrage auquel un pays doit se livrer sans cesse en démocratie, ne vaut-il pas mieux une opposition sans propositions qu’un pouvoir sans réalisations, un futur incertain qu’un présent très imparfait dont le caractère, en dépit de ce qu’affirme sans véritable conviction Gabriel Attal, est très largement gangrené par l’obsession présidentielle pour sa réélection. Et cela n’a pas commencé aujourd’hui !
La seule politique possible?
Je devine bien qu’on attend d’un porte-parole, de surcroît brillant dans la polémique, le plus de simplisme possible mais Gabriel Attal devrait résister à cette pente, d’autant plus qu’elle risque de confirmer un reproche souvent adressé au président, à ses ministres et à ses soutiens : celui d’une arrogance, non pas tant à cause de leur position naturellement favorable (ils sont en charge) mais par l’effet de la certitude absurde selon laquelle ils mèneraient, sur tous les plans, la seule politique possible.
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Ce que ce mandat, après une première année satisfaisante, n’a pas cessé de contredire même si le président attentif à ces faiblesses et manques a découvert, pour la fin du quinquennat, que le régalien était capital et la relance évidemment nécessaire.
Je n’ai jamais pu me tenir dans une hostilité sans nuance à l’égard des argumentations et interventions de Gabriel Attal parce que je suis sans doute trop sensible à la forme, à l’alacrité et à la qualité.
Le nouveau monde sur une mauvaise pente
Clément Beaune, pour sa part, ne m’inspire pas la même bienveillance parce que récemment il a poussé au comble le péché essentiel du macronisme – hors de lui, point de salut ! – en déclarant que le président allait « incarner le camp de la raison et de la République » dans la campagne à venir.
J’avoue qu’il y a quelques mois j’avais été défavorablement impressionné par sa prestation au Grand Jury où sur la fin, questionné sur son choix entre Mélenchon et Marine Le Pen, il avait opté avec enthousiasme pour le premier alors que LREM s’en tenait sur ce point à une sage et égale distance. J’ai perçu là comme une forme de démagogie précipitée. Quand il assimile le président au « camp de la raison et de la République », il oublie que la première pas plus que la seconde ne font partie d’un camp mais relèvent d’un humus indivis, trésor de la communauté nationale dans son intégralité.
S’il convient à toute force de donner une substance à l’une comme à l’autre, qui aurait le front de soutenir que le mandat d’Emmanuel Macron engagé sur la promesse vite dissipée d’un nouveau monde a été exemplaire et pour la raison et pour la République ? Faut-il rappeler tout ce qui est venu démentir le règne de la raison et la prédominance de la République ? Le pays n’a jamais été plus fracturé qu’aujourd’hui, en démesures réciproques et en impuissances régaliennes, au point qu’on est condamné à se focaliser sur une seule ville, Marseille, pour donner l’impression de la fermeté quand toute la France en aurait besoin. Les communautarismes, on le voit, on le subit, ne cessent d’offenser l’unité républicaine.
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Si Clément Beaune n’avait pas été sérieux dans son propos, ç’aurait été d’une saumâtre ironie ! Sans doute évoquer par le verbe la raison et la République peut-il sembler un moyen de se les approprier mais les Français savent ce qu’il en est du réel et de ce qu’ils vivent et endurent.
Le pouvoir a le droit de se croire l’incarnation de la raison et de la République mais, de grâce, qu’il ne prenne pas ses désirs pour la vérité !
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