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Assimilation, retour de bâton

Il s’agit de supplier les immigrés de bien vouloir tolérer les Français de souche...


Assimilation, retour de bâton
La commune de Mécheria dans le nord-ouest algérien, années 1950. © Bridgeman.

La France n’a jamais assimilé les populations indigènes de ses colonies. Quand elle a voulu les « intégrer », il était trop tard. Et l’invention du « vivre-ensemble » a été un acte de capitulation. Aujourd’hui, si nos casseurs sont assimilés à une identité, c’est à celle de leur diaspora.


Assimiler ou pas ? Transformer les Nord-Africains et les Subsahariens en citoyens français, soumis aux lois et aux coutumes françaises, ou bien préserver leur identité ? Franciser ou bien respecter les différences ? Ces questions se sont posées à la France il y a cent vingt ans, du temps de la colonisation. Et à l’époque elles ont reçu une réponse claire et sans appel : non à l’assimilation. Mais, quarante ans d’immigration irraisonnée ont remis sur la table une question que nos aïeux croyaient avoir réglée définitivement. Tel est le sort des nations qui refusent d’écouter les leçons de l’histoire.

Quand la France est partie à l’assaut de l’Afrique, du monde arabe et de l’Indochine, elle n’avait aucune idée de ce qui l’attendait sur place. Elle ne savait pas non plus ce qu’elle allait faire de ses futures colonies : comment les gouverner, avec quelles élites (locales ou importées depuis la métropole), avec quel objectif de développement, pendant combien de temps ? La colonisation française est une idée tordue aux hypothèses hasardeuses et aux méthodes bricolées. Largués sans réelles instructions ni doctrines, les militaires et les civils qui ont conquis les colonies ont dû inventer un « plan » pour gérer l’immense empire que la France a englouti entre 1880 et 1900 : soit une dizaine de millions de kilomètres carrés et une cinquantaine de millions d’habitants.

Trois visions se sont affrontées, par journaux et lobbies interposés. La première appelait à la préservation des civilisations « découvertes » par la France. Des grandes âmes comme Napoléon III en Algérie, Lyautey au Maroc ou Auguste Pavie en Indochine ont appelé au respect des différences. Ces illustres figures admiraient sincèrement les civilisations indigènes et ne voyaient pas pourquoi il aurait fallu les assimiler, c’est-à-dire les effacer pour en faire des clones de la civilisation française. La seconde tendance a essayé d’assimiler les indigènes, notamment en les convertissant au catholicisme, voire au protestantisme. Après tout, qu’est-ce que l’assimilation sinon une conversion à un nouveau récit des origines (Jésus et Marie au lieu de Mahomet ou Bouddha) ? Une des grandes figures de ce mouvement fut le cardinal de Lavigerie, archevêque d’Alger dans la deuxième moitié du xixe siècle. Il voulait convertir les Algériens au catholicisme. Enfin, parmi les colons, s’est très vite développé le souhait de se séparer des indigènes en les « enfermant » dans leur « retard » et en prenant le soin de ne surtout pas en faire les égaux des Français. La motivation coule de source : « À nous les terres, à nous les postes dans l’administration, hors de question de partager le gâteau avec les peuples que l’on vient de soumettre. » À court de financements et d’effectifs, l’administration coloniale s’est alignée sur le lobby des colons.

l’échec de l’assimilation, de l’intégration et du vivre-ensemble est une excellente nouvelle pour le secteur du BTP. Ronds-points à refaire, médiathèques à reconstruire, etc.

Les choses auraient pu changer au lendemain de la Première Guerre mondiale. La participation de milliers d’indigènes aux combats aux côtés de la France, leur héroïsme et abnégation ont fait bouger quelques lignes. Des élites locales osent dès 1918 exiger une égalité des chances avec les colons, matérialisée par l’accès au système éducatif et aux opportunités d’emploi dans l’administration. Refus de l’administration qui se limite, ici et là, à créer des brèches dans le système d’« apartheid ». Ainsi, au Vietnam, on ouvre l’accès aux lycées aux enfants de la bourgeoisie indigène. À Dakar, on fonde une école de médecine destinée aux Noirs. Mais le mot d’ordre demeure la séparation. Au Maroc, par exemple, les élèves musulmans ne peuvent pas accéder au système éducatif français, ils sont confinés à la préparation du certificat d’études musulmanes, une sorte de brevet au rabais. En Algérie, la Troisième République envoie de l’argent pour scolariser les musulmans, les conseils municipaux aux mains des pieds-noirs ne l’utilisent pas ou ne le reversent qu’en partie à la construction de salles de classe.

Avec les anciennes colonies, un lien resté permanent

Après la Seconde Guerre mondiale, on change de braquet. Saisie par une sorte de culpabilité mêlée à la reconnaissance pour le sacrifice des soldats coloniaux, la France met le paquet sur le social : écoles, universités, hôpitaux, eau potable, etc. Mais l’argent manque et très vite plusieurs mouvements indépendantistes essaient de dissuader les indigènes d’envoyer leurs enfants à l’école française. En Algérie, certains milieux pieds-noirs innovent et forgent la notion de vivre-ensemble, un concept vendu aux Algériens musulmans comme la panacée de la colonisation. L’idée est d’instaurer l’égalité en droits et en devoirs entre les différentes communautés, selon une approche graduelle. Ainsi, l’OAS et de nombreux officiers français promettent aux musulmans de devenir à terme des Français aussi légitimes que les Bretons ou les Alsaciens. De Gaulle a dit non, les Français aussi par référendum, et le FLN a enfoncé le clou.

La colonisation terminée, l’immigration a pris le relais. Le lien avec les colonies, surtout celles du Maghreb, n’a pas été rompu. Et dès les années 1970, la hausse des flux a reposé la question de l’assimilation. Sauf que cette fois, la République s’est mise en tête qu’elle pouvait fabriquer des Français à partir de Marocains ou d’Algériens en une génération, voire deux grâce à l’école et au travail. Les émeutes dans les banlieues, survenues dès la fin des années 1970, ont semé le doute sur la validité de ce théorème. L’on s’est rabattu alors sur l’intégration, moins ambitieuse mais surtout plus difficile à définir, car si assimiler veut dire franciser, intégrer va de la simple participation à la vie économique jusqu’à l’acculturation.

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Mais, de faits divers sanglants en « intifadas » à base de mortiers d’artifice, on a fini par se replier sur la notion de vivre-ensemble, inventée par les partisans de l’Algérie française… Le vivre-ensemble est, dans la bouche de nos dirigeants, une capitulation de plus : il s’agit de supplier les immigrés de bien vouloir tolérer les Français de souche. Et l’État et ses bras armés dans la presse subventionnée, les ONG et la communauté artistique se chargent de tenir le Français de souche en laisse : « pas d’amalgame », « pas de stigmatisation », « halte à l’extrême droite ».

Malheureusement pour ce système, les égouts débordent de temps en temps, comme à Nanterre récemment. Des milliers de jeunes ont crié à qui voulait bien les entendre leur rejet total de la France et du vivre-ensemble. Ces casseurs « identitaires » ont au moins le mérite de la sincérité : ils crient, ils taguent, ils crachent leur haine de la France. Ils sont assimilés à une diaspora qui subvient à leurs besoins identitaires.

Message reçu 0/5 par nos élites autistes et incompétentes. Elles préféreront sans doute miser sur une énième remise à jour de la politique de la ville. Cela dit, l’échec de l’assimilation, de l’intégration et du vivre-ensemble est une excellente nouvelle pour le secteur du BTP.  Ronds-points à refaire, médiathèques à reconstruire, etc. Les actions de Bouygues et de Vinci ont probablement plus la cote que les portraits de Marianne !

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Article extrait du Magazine Causeur




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Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier "De la diversité au séparatisme", un ebook consacré à la société française et disponible sur son site web: www.drissghali.com/ebook. Ses titres précédents sont: "Mon père, le Maroc et moi" et "David Galula et la théorie de la contre-insurrection".

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