Le 10 novembre, sur le plateau de TPMP, un échange d’insultes entre Louis Boyard (ancien chroniqueur de l’émission et député La France insoumise) et l’animateur Cyril Hanouna, au sujet de Bolloré, a suscité l’indignation.
«A l’Assemblée, la parole gagnée par la familiarité» (Le Figaro). Pour certains députés et quelques ministres, il s’agit d’un euphémisme.
Ce n’est pas seulement la « parole » qui se dégrade mais des comportements qui ont tranché d’emblée avec une politesse parlementaire longtemps respectée quels que soient les antagonismes.
Il y a eu l’émergence d’un nouveau monde pour le pire.
Faut-il rappeler la grossièreté du jeune député Louis Boyard ayant refusé de saluer des collègues du Rassemblement National le premier jour d’une Assemblée nationale pluraliste ?
Ce n’est pas par hasard que j’évoque ce parlementaire puisqu’à nouveau il a fait parler de lui sur C8 à la suite d’une grave altercation avec Cyril Hanouna. Selon Le Monde, celui-ci «insulte un député La France insoumise et provoque un tollé».
Louis Boyard a attaqué Vincent Bolloré qui avec d’autres aurait été responsable de l’appauvrissement de l’Afrique.
Cyril Hanouna lui a rappelé qu’il avait été chroniqueur dans son émission sans avoir eu le moindre cas de conscience, mais que devenu député, il revenait à « Touche pas à mon poste ! » pour cracher sur le milliardaire breton.
Dans une dispute prenant de plus en plus d’ampleur, Cyril Hanouna s’est laissé aller à traiter Louis Boyard de cette façon : «Espèce d’abruti…ferme ta gueule…t’es une merde…calme-toi…tais-toi…t’es un naze…allez barre-toi…».
Le député a quitté le plateau, sifflé et en accompagnant sa sortie d’un doigt d’honneur.
Il est clair que le député La France insoumise n’aurait pas dû être insulté ainsi, en des termes sans lien même avec le langage généralement décontracté de l’animateur.
L’Arcom a été saisie et Louis Boyard va demander l’ouverture d’une commission d’enquête sur les ingérences de Bolloré dans nos médias et donc sur TPMP. La première démarche paraît logique mais la seconde n’a aucun sens.
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On est déjà en train d’intenter un procès à Cyril Hanouna au prétexte qu’il favoriserait l’extrême droite et qu’il aurait maltraité Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas le souvenir que j’ai de l’émission politique « Face à Baba » où le leader de La France insoumise a pu en particulier s’en prendre violemment à un fonctionnaire de police.
La France insoumise s’interroge, paraît-il, sur l’opportunité de se rendre sur le plateau de Cyril Hanouna. Ses députés sont-ils naïfs au point de s’imaginer être forcément accueillis avec bienveillance, sans le risque d’un affrontement ?
Je crains qu’à la suite de cette empoignade, de ce « clash » selon l’expression favorite des médias qui en voient un dès qu’on s’oppose vigoureusement, on dresse un portrait à charge de Cyril Hanouna parce qu’il pâtit d’un double handicap : son émission a beaucoup de succès et il défend Vincent Bolloré quand ce dernier est vilipendé.
Cyril Hanouna a sans doute compris depuis longtemps que la dénonciation médiatique de Bolloré est une sorte d’obligation, d’épreuve reine pour tous ceux qui n’ont rien à dire. Ils auraient rêvé d’une personnalité tendant une joue après l’autre. Ce n’est pas vraiment son genre et il est insupportable qu’il demeure impavide face à ces permanentes et lassantes agressions verbales.
Sainte Thérèse de Lisieux disait qu’on ne peut pas être «une sainte à mi-temps». J’ai envie, au sujet de Louis Boyard, de soutenir qu’on ne peut pas non plus être un député à mi-temps. Il est trop facile, député, de se comporter mal à l’Assemblée nationale puis sur un plateau de télévision se rappeler qu’on l’est et exiger un respect dont dans sa conduite parlementaire on se moque.
C’est sans doute la perversion la plus éclatante de l’univers politique et médiatique d’aujourd’hui : on ne sait plus qui est exemplaire, qui peut s’en prévaloir. Comme plus personne ne l’est partout, les responsabilités sont sans cesse partagées et aucune culpabilité n’est entière. Il y a de l’équivoque à foison.
Certes, Cyril Hanouna a insulté Louis Boyard mais celui-ci, exigeant le respect pour lui-même et sa fonction, n’a-t-il pas rendu, de son fait, au moins difficile une telle déférence ?
N’a-t-il pas récolté à TPMP ce qu’il avait semé à l’Assemblée nationale ?
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