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Passe sanitaire: une hystérie calculée?

La crainte d'une épidémie de restrictions des libertés publiques


Passe sanitaire: une hystérie calculée?
Couple présentant son passe sanitaire, concert "Les Nuits Guitares" a Beaulieu-sur-mer, 21 juillet 2021 © SYSPEO/SIPA Numéro de reportage : 01029174_000001

Par une majorité de 117 voix contre 86, nos députés ont voté ce matin un texte gouvernemental mettant en place le passe sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants. De quoi faire craindre à notre contributeur Gabriel Robin une épidémie de restrictions des libertés publiques, alors que la perspective d’une sortie de crise sanitaire cet été s’éloigne.


« Si le virus pouvait nous regarder, je pense que ce soir, il serait assez content et il se servirait une petite bière », a affirmé Olivier Véran à l’Assemblée nationale lors des débats relatifs à l’examen du projet d’établissement d’un passeport sanitaire. Entre déclarations moqueuses et injonctions autoritaires, les partisans du « passe sanitaire » se sont montrés très malhabiles depuis le début de cette polémique, engendrant d’importantes protestations populaires. Sciemment ?

Un peu de modestie fait parfois du bien. La pandémie de coronavirus devrait nous y inviter. Malheureusement, nous ne pouvons que constater que les discussions liées à l’apparition de cette maladie, aux modalités pour y contrevenir, ou encore aux conséquences économiques et sociales qu’elle engendre, sont sujettes à une hystérisation totale. Il est impossible à l’honnête homme, et même à l’universitaire en médecine, d’y voir clair. Tout est opaque. Tout est incompréhensible, sujet à caution et à divers biais cognitifs. Un jour, ils rouvrent tout. Le lendemain, ils referment. Un matin, ils vous disent qu’il ne faut pas confiner uniquement les personnes à risques, car cela serait discriminatoire. Un soir, ils réclament que les non-vaccinés n’aient plus que la liberté de rester enfermés à domicile sans solde, quand la veille ils prétendaient que jamais la vaccination n’aurait un jour un caractère obligatoire en France, tant l’idée était « contraire à nos valeurs ».

Macron aime incarner l’ordre face à la rue

Qui croire ? Que faire ? Les Français ne peuvent qu’être perdus devant pareil spectacle, consécutif à des mois de mensonges et de bêtises affirmées tout de go – repensons ici à l’épisode des masques ou à madame Buzyn qui prétendait que le coronavirus n’arriverait jamais sous nos latitudes. Semble s’instaurer un discours fataliste voulant que le Covid-19 ne disparaisse pas avant une bonne génération, comme si ce virus était notre nouveau compagnon de route. Masqués pour toujours. Contraints pour des années. Condamnés à l’enfermement soft. Gavés de séries télé et de plateaux-repas livrés par des coursiers soudanais.

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Nous avons au moins une certitude : ce drame ne doit pas être l’occasion de restreindre un peu plus nos libertés publiques mises à mal depuis plusieurs décennies. Il n’est pas besoin de s’appeler Machiavel pour comprendre que le passe sanitaire annoncé en juillet ne l’a pas été que pour des questions de santé publique. Il y a dans cette décision une bonne dose d’opportunisme politique. Que les « gilets jaunes » et autres opposants au gouvernement se remettent en marche à cette occasion était non seulement prévisible mais attendu, voire souhaité par Emmanuel Macron qui veut incarner l’Ordre face à la rue. Car, la rue, elle n’est peuplée que de crétins finis qui sont persuadés que les vaccins contiennent des puces pour nous brancher sur la 5G avec lesquelles nos cerveaux entendront des sourates du Coran récitées par Sibeth N’Diaye sur une radio pirate émettant depuis le sous-sol du Pentagone. Enfin, c’est un peu l’idée que le pouvoir aimerait donner du manifestant moyen, aussi fou que Francis Lalanne et aussi vulgaire que Jean-Marie Bigard.

Un petit sacrifice ?

Il n’y a pourtant pas que des primaires et des anti-vaccins new age dans les cortèges et parmi les râleurs. Quelques Français sont encore attachés à leurs libertés fondamentales et au simple bon sens ; malgré la peur légitime, malgré la dépolitisation. Ils étaient d’ailleurs nombreux à être vaccinés mais opposés au passe sanitaire, probablement même majoritaires. Un passe sanitaire annoncé sans aucune préparation, prenant de court les professionnels et les simples citoyens. Un passe sanitaire qui pourrait même être demandé pour prendre son café en terrasse, en dépit de la logique la plus élémentaire. Avant que l’Assemblée ne censure la disposition, il était même prévu la nécessité de présenter le passe sanitaire pour entrer dans un hôpital…

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Au fond, on peut imaginer que la sécurité de tous puisse épisodiquement commander quelques petits sacrifices. Encore faut-il que ces sacrifices soient consentis, parfaitement compris et logiques. Surtout, ces sacrifices doivent être limités dans le temps et ne pas hypothéquer l’avenir. Il suffit de lire le rapport du 3 juin 2021 rendu au nom de la délégation sénatoriale à la prospective pour s’en convaincre. Le passe sanitaire et les diverses interdictions préventives de citoyenneté édictées par nos dirigeants pourraient bien n’être que les prolégomènes d’une prise de contrôle totale sur notre vie privée, jusqu’à notre intimité. Ainsi, les sénateurs rapporteurs envisageaient-ils le plus sérieusement du monde le port de bracelets électroniques durant les quarantaines, le contrôle des fréquentations, l’amende automatique par le contrôle des transactions, ou encore l’utilisation obligatoire d’objets connectés pour contrôler l’état de santé des Français. Vous avez dit Minority Report ? Le Covid donne lieu à une expérimentation grandeur nature grandement aidée par une technologie toute puissante ; comme l’a récemment démontré l’outil Pegasus qui permet d’entrer sur le mobile de n’importe quel individu à n’importe quel endroit du globe. Souriez : vous êtes fichés, vous êtes filmés, vous êtes contrôlés.

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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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