Art officiel, art mondialisé


Art officiel, art mondialisé

art officiel paris

La France est redevenue une grande nation de football et c’est tant mieux. On a le droit d’être nostalgique de l’époque où elle était aussi championne des arts. Les artistes les plus renommés vivaient et travaillaient à Paris et grâce à eux, nos paysages naturels et humains, des danseuses de french cancan à la montagne Sainte-Victoire, appartiennent désormais au patrimoine esthétique de l’humanité.

Depuis, deux guerres mondiales et la mondialisation sont passées par là ; et les Picasso, Braque, Zadkine, Soutine, Modigliani et Matisse d’aujourd’hui, s’ils existent, n’habitent plus Montparnasse. Les jeunes ont déserté Paris et ses chambres de bonne hors de prix pour se rapprocher de leurs clients new-yorkais fortunés, des galeries et des logements bon marché de Berlin, pour ne pas parler des collectionneurs chinois.

À vrai dire, il n’est pas certain que l’on puisse encore parler d’un art français, chinois ou américain. L’art n’a pas échappé à la mondialisation marchande : largement délivré de tout ancrage national ou territorial, il est adapté au goût d’élites hors-sol qui se soucient plus d’épater le bourgeois à coups de transgressions factices que d’élever leur âme au contact de la beauté.[access capability= »lire_inedits »]

Il est vrai que notre pays a de beaux restes, avec des marchands, des galeries et des maisons de vente qui comptent et des collectionneurs qui, en dépit des incertitudes fiscales, s’obstinent à acheter des œuvres qu’ils aiment. Par ailleurs, on ne saurait rendre la France responsable de la folie spéculative qui voit la cote de certains artistes atteindre des niveaux déraisonnables.

Reste que le déclin français a aussi une cause spécifiquement française qui tient à l’intervention de l’État. Il n’est pas choquant en soi que les pouvoirs publics aient une politique de l’art : ce qui l’est plus, c’est que les largesses de l’État aient presque exclusivement profité à l’art le plus conceptuel, le plus abscons et le moins susceptible de plaire au grand public. « L’art est pour moi quelque chose qui se pense avant d’être quelque chose qui se voit », déclare la directrice du Fonds régional d’art contemporain de Lorraine, qui s’enorgueillit d’avoir acheté des œuvres immatérielles. Au risque de passer pour des béotiens, on peut penser que dépenser l’argent du contribuable pour acheter du vent, c’est, pardonnez-moi l’expression, du foutage de gueule.

Ne désespérons pas, il y a encore des artistes qui se soucient de nous instruire et de nous enchanter, conformément au programme défini par Horace (docere et delectare). Reste que, si nous n’y prenons pas garde, le ministère de la Culture finira par tuer l’art. [/access]

*Image : Soleil.

Eté 2014 #15

Article extrait du Magazine Causeur



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Elisabeth Lévy est journaliste et écrivain. Gil Mihaely est historien.

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