Les institutions culturelles redoublent d’imagination pour attirer le public.
Sale temps pour les esthètes. Les institutions culturelles, en quête de « nouveaux publics », bafouent l’art au nom d’une massification inepte. Les colossales Tulipes de Jeff Koons, sculpture haute de 10 mètres et pesant 30 tonnes (sans compter le poids de la fatuité kitsch de l’artiste) seront inaugurées début octobre près du Petit Palais, à Paris. Le bouquet multicolore de fleurs stylisées promet de contribuer au lent et continu processus d’enlaidissement de la capitale par l’art, au sujet duquel il faudrait aussi mentionner l’inauguration récente d’un gros cœur rotatif et scintillant perché sur un mât porte de Clignancourt.
De plus en plus, les directeurs de musée se voient comme des directeurs de centres de loisirs chargés d’« ambiancer » les visiteurs. Chaque établissement se doit d’avoir un événement décalé dans sa programmation annuelle, impliquant un DJ ou une compagnie de théâtre de rue. Les autorités encouragent massivement une telle mascarade. Ce sera encore le cas en octobre avec la Nuit blanche, marquée cette année par une « course nocturne » dans les musées parisiens. « Plus de 10 000 personnes vont pouvoir courir au milieu des œuvres d’art », précise le flyer.
Les œuvres seront ainsi les témoins consternés d’une foule d’hurluberlus en baskets, piétinant les parquets en nage avec le plus grand mépris de la création et un sens risible du décalage accompli. C’est une expérience « à la croisée du sport et de la culture », nous précise-t-on. De quoi devenir profondément mélancolique.
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Quand les esthètes broient du noir, ils peuvent toujours se raccrocher à la pensée de Jacques Attali. Se plaignant de l’élitisme des arts classiques (peinture, musique, littérature) dans les colonnes du Journal des Arts, il leur oppose des « arts intimes » que tout un chacun peut pratiquer sans ressentir le poids écrasant d’un passif culturel qui serait, comme le disait Malraux « l’héritage de la noblesse du monde ». C’est le cas, d’après l’ex-conseiller de François Mitterrand, de la cuisine… « Chacun, à son domicile, peut, s’il s’en donne la peine, apprendre à préparer des merveilles », souligne-t-il. Au nombre des arts intimes, il y a aussi l’art de raconter des histoires aux enfants. (Et pourquoi pas aux comptoirs des bistros ?)
L’art d’aimer étant l’ultime voie pour Jacques Attali. On feindra charitablement d’oublier ses désastreuses incursions dans les arts classiques… quand il réalisait – sous le regard d’un public médusé – ses rêves enfantins de devenir chef d’orchestre ou metteur en scène d’opéra.
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