Comme le déplore notre consœur du Figaro Judith Waintraub, la liberté de la presse s’arrêtera-t-elle bientôt là où commence la lutte contre le dérèglement climatique ? Des députés préparent une proposition de loi visant à bannir le climatoscepticisme du débat public et des médias. L’analyse de Didier Desrimais.
« Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne (2014-2019).
Dans La révolte des élites paru en 1996, Christopher Lasch décrivait la déconnexion entre le peuple américain et ses élites, ainsi que le mépris de ces dernières pour « les valeurs et les vertus qui fondaient autrefois l’idéal démocratique ». Insistant sur la détérioration du débat public, il écrivait : « La démocratie demande un échange vigoureux d’idées et d’opinions. Comme la propriété, les idées doivent être distribuées aussi largement que possible. Pourtant, bon nombre des “gens de bien”, selon l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes, ont toujours été sceptiques quant à la capacité des gens ordinaires à saisir des problèmes complexes et à produire des jugements critiques. » De plus, regrettait-il, le journalisme moderne affilié à ces élites, après avoir « adhéré à un idéal fallacieux d’objectivité », s’est défini comme but absolu de « diffuser des informations fiables – autrement dit, le type d’information qui tend non pas à promouvoir le débat mais à y couper court ». Les Français subissent depuis des décennies ce type d’information. L’audiovisuel public et la presse mainstream se font le relais d’experts auto-proclamés en matière, par exemple, de climat ou d’immigration – leur expertise reposant en réalité essentiellement sur leur capacité à diffuser sans les discuter des « informations fiables » issues des évangiles du GIEC et du catéchisme immigrationniste de l’ONU et de l’UE.
Tout, sauf un référendum !
Il y a quelques jours, sur le plateau de 28 minutes d’Arte, Adélaïde Zulfikarpasic, directrice générale de BVA France et enseignante à Sciences Po, a expliqué pour quelles raisons il fallait promouvoir une « convention citoyenne » plutôt qu’un référendum sur le sujet de l’immigration. L’immigration, a-t-elle doctement affirmé, est un « sujet technique » qui « suppose qu’on apporte de la nuance. » – « les Français n’ont peut-être pas l’expertise suffisante pour y répondre ». Autrement dit : les Français sont des buses et moi, super-technocrate en chef, je vais leur expliquer en quoi l’immigration est une chance pour la France, affirmation qui n’appelle aucune contradiction et à laquelle aboutira d’ailleurs une convention citoyenne éventuellement cornaquée par moi-même ou un de mes semblables !
D’un côté, les Français subissent une immigration ratifiée par des « élites » mondialistes décidant du destin des peuples sans leur demander leur avis ; de l’autre, les journalistes, prosternés devant les experts, rechignent à lancer de véritables débats sur des décisions prises en haut-lieu et ayant des répercussions capitales sur l’avenir de l’Europe et de la France. Un exemple parmi cent, celui du Pacte de Marrakech.
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Le pacte de Marrakech a été entériné par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2018. Il n’est, pour pasticher les propos de Mme Zulfikarpasic, ni si technique ni si nuancé que ça. Ce pacte, explicitement immigrationniste, prévoit de « créer des conditions favorables qui permettent à tous les migrants d’enrichir nos sociétés grâce à leurs capacités humaines, économiques et sociales ». L’objectif 5 stipule que les « filières de migration régulière » doivent être « accessibles et plus souples », « l’objectif étant de développer et de diversifier les filières de migration sûre, ordonnée et régulière ». L’objectif 17 concerne essentiellement les médias. Les États doivent « sensibiliser et informer les professionnels des médias sur les questions migratoires et la terminologie adaptée ». L’opinion publique sera formatée grâce à « un débat public fondé sur l’analyse des faits et associant l’ensemble de la société, le but étant que la question des migrants et des migrations soit abordée de façon plus réaliste, humaine et constructive ». Le problème de ce pacte n’est pas sa supposée technicité mais le fait que la presse mainstream n’en a quasiment pas parlé et n’a pas cru bon de révéler les tenants et les aboutissants d’un programme proclamant clairement que l’immigration n’en est qu’à ses débuts, qu’elle est inévitable et nécessaire, et que les gouvernements des pays concernés doivent s’asseoir sur les opinions contrariantes de leurs concitoyens. Les rares fois où ce pacte a été évoqué sur la radio publique française, cela a été pour répéter qu’il n’était pas « contraignant » et que les pays ne s’y pliant pas ne seraient pas sanctionnés. Mme von der Leyen, outrepassant comme à son habitude ses prérogatives, n’a pourtant pas hésité, comme elle l’avait fait précédemment pour la Hongrie et la Pologne, à menacer de représailles le gouvernement italien si celui-ci appliquait le programme migratoire préconisé par Giorgia Meloni lors de sa campagne électorale. Là encore, la radio publique n’a pas jugé nécessaire d’ouvrir un débat sur les propos hallucinants de cette technocrate se mêlant de décisions prises par des gouvernements démocratiquement élus. L’audiovisuel public devrait être le lieu des débats les plus ouverts et les plus contradictoires, il est celui des « compléments d’enquête » très orientés et de la propagande européiste, immigrationniste et écologiste.
Guterres parle la même langue que Sandrine Rousseau
Ce qui est vrai pour l’immigration l’est également pour l’écologie et l’inévitable « changement climatique ». Lorsque M. Guterres, secrétaire général des Nations Unies, ne donne pas de leçons de morale à la France, il concocte de soporifiques et incantatoires sentences sur le « changement climatique » et l’écologie reprises par toute la bonne presse : « Notre guerre contre la nature doit cesser. Et nous savons que c’est possible. » (1er Décembre 2019) – « Nous n’avons pas de temps à perdre si nous voulons éviter une catastrophe climatique. » (10 mars 2020) – « Sans égalité des genres (sic), il sera impossible de répondre à l’urgence climatique. »(27 février 2020). La planète n’est visiblement pas la seule à connaître une augmentation anormale de la température : M. Guterres, après avoir fiévreusement affirmé que « l’effondrement climatique a commencé » et que nous étions au début de « l’ère de l’ébullition mondiale », a déclaré, le 20 septembre, que notre addiction aux énergies fossiles avait « ouvert les portes de l’enfer ». Le GIEC a trouvé, en la personne de M. Guterres, un évangéliste exemplaire qui ne craint pas le ridicule. Pourquoi le craindrait-il d’ailleurs ? Ses prédications répétitives et assommantes font le bonheur des instances médiatico-politiques qui reprennent en boucle les conclusions et les préconisations du GIEC.
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Car on ne discute plus les conclusions du GIEC. En France, après que Radio France a interdit de donner la parole à quiconque remet en cause quelque point que ce soit du rapport onusien (1), un groupe parlementaire a l’intention de proposer une loi faisant de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la garante d’une couverture médiatique sur le climat conforme au « consensus scientifique (sic) » selon lequel « il y a un dérèglement climatique et il est d’origine anthropique » – d’après le député socialiste Stéphane Delautrette, ces deux postulats « doivent bien sûr échapper au débat contradictoire ». Peu importe les arguments de Steven Koonin, éminent professeur de physique et ancien conseiller scientifique de Barak Obama ayant démontré entre autres la très médiocre fiabilité (c’est un euphémisme) des « modèles climatiques » censés prédire le climat des futures décennies (2), ceux du prix Nobel de physique John Clauser dénonçant la « corruption » d’une climatologie dévoyée et « métastasée en un mastodonte de pseudo-science – du journalisme à sensation » (3), ou ceux du mathématicien Benoît Rittaud, président de l’Association des climato-réalistes ne réclamant qu’une chose : qu’il soit possible de débattre sur l’évolution du climat « en favorisant l’expression sous toutes ses formes d’avis rigoureux et documentés ». Loi ou pas, ces scientifiques et de nombreux autres interrogeant les travaux du GIEC ne sont de toute manière jamais invités dans les médias publics. La même proposition de loi prévoit par ailleurs d’imposer aux médias audiovisuels publics et privés un minimum de 20% de contenus sur l’écologie et le climat en période électorale, sachant que ces contenus ne devront pas être « relatifs à des modes de vie ou des imaginaires allant à l’encontre des préconisations scientifiques (ceux du GIEC, of course) permettant de faire face à l’urgence ». Les médias publics, serviles, disciplinés et bêtes, appliquent d’ores et déjà à la lettre ces recommandations idéologiques.
Le pluralisme et le « débat public vigoureux » chers à Christopher Lasch ne font plus partie de notre univers « démocratique ». Chaque jour qui passe voit se renforcer des élites dominatrices soutenues par une classe médiatique qui ne rêve que d’appartenir à cet aréopage mondialiste vivant au-dessus de la plèbe. « Il n’est pas indispensable, pour être corrompu par le totalitarisme, de vivre dans un pays totalitaire », écrivait Orwell. « Imposer une parfaite uniformité d’opinion sur tous les sujets est un premier pas vers la dictature » – nous en prenons le chemin.
La révolte des élites: et la trahison de la démocratie
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(1) La charte de Radio France issue de son « Tournant environnemental » est lisible sur son site. Son premier article stipule que Radio France se tient « résolument du côté de la science, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine. Elle est un fait scientifique établi, pas une opinion parmi d’autres ». Tout est dit – adieu les débats contradictoires, vive l’idéologie et la propagande.
(2) Steven E. Koonin, Climat, la part d’incertitude, Éditions de l’Artilleur.
(3) Article de The Daily Sceptic du 23 juillet 2023 traduit sur le site de l’Association des climato-réalistes.
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