Il y a diverses façons pour un homme politique de rentrer dans l’Histoire : en gagnant des guerres, en les perdant, en laissant son nom à des lois, en fondant des partis, en piquant dans leur caisse… que sais-je encore ! Arnaud Montebourg, lui, a choisi un chemin de traverse : il a préféré poser pour la Une du Parisien Magazine affublé d’une marinière Armor Lux made-in-France et d’un blender Moulinex du même métal, afin de faire la promotion de l’industrie hexagonale. Le tout sur fond de drapeau tricolore. En pages intérieures, l’ex d’Audrey Pulvar posait également devant des chaises bleu-blanc-rouge, avec un sourire de camelot qui n’était pas sans rappeler les heures les plus sombres du télé-achat. On apprit, dans la foulée de cette publication colossale, qui fit date dans l’histoire de la politique française, que le ministre faillit poser en costume de James Bond, ou même avec un béret, mais qu’il a finalement préféré la marinière. Certainement par sens inné de l’esthétisme et de la sobriété (rires enregistrés).
On pensait en avoir fini avec cette marinière terrifiante. On pensait que le ministre du redressement productif tenterait de faire oublier à tout jamais ce dramatique faux pas vestimentaire – qui ne l’a pas encore fait entrer dans l’Histoire avec un grand H, à vrai dire, mais déjà dans l’histoire du ridicule… Que nenni ! C’était oublier que M. Montebourg n’est pas seulement un ministre de la République, mais le leader d’un courant socialiste – très influent au sud-est de la Saône et Loire (La Rose et le réséda), et qu’il réunit ses fidèles, apôtres, amis et autres idolâtres chaque année pour une grande « Fête de la rose » dans le village de Frangy-en-Bresse, débauche florale socialiste qui est l’occasion de petites-phrases et de mots creux. Nous pourrions aisément nous moquer ici cette passion de certains hommes politiques pour les fleurs. Nous l’avons déjà fait en ces colonnes.
Mais nous apprenons que le moment fort de cette Fête de la rose, qui se tiendra dimanche, ne sera pas un frénétique lancer de pétales sur les pas d’Arnaud Montebourg, ni le dévoilement d’une rose inédite en l’honneur du cher leader productif, mais un effrayant défilé de 400 fidèles militants socialistes en marinière made-in-France… Le Parisien nous révèle en effet que « Quatre cents marinières Armor-Lux, payées 20€ pièce, ont été commandées par la fédération PS de Saône et Loire. Elles seront fièrement arborées en présence du ministre du Redressement productif et de son invité Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. » Jean-Guy Le Floch, patron de Armor Lux, explique à nos confrères de Ouest-France : « Comme il s’agit d’une grosse commande, 20€, cela paraît très éloigné du prix public mais c’est parce qu’il faut comparer au prix de gros. » Oui, plus c’est gros plus ça passe. Il poursuit : « Cette commande prouve le vrai retour de la volonté de faire fonctionner les usines françaises.» On a hâte que – pour le salut de l’industrie tricolore – la marinière devienne l’uniforme de tous les militants socialistes, et pourquoi pas des députés, des sénateurs, et même des fonctionnaires… oui, des fonctionnaires ! Les policiers de la BAC circuleront en marinières dans les quartiers sensibles, et les employés du Fisc accueilleront leurs malheureuses victimes dans cette tenue qui ravira au moins Jean-Paul Gaultier. Les pompiers éteindront les feux dans cet accoutrement, tandis que les professeurs professeront ainsi rhabillés. Seuls les marins seront peut-être exempts de cette obligation.
Vivement dimanche, que nous puissions voir – sous le soleil de Frangy-en-Bresse – un avant-goût de ce cauchemar, en méditant cette pensée de Napoléon Bonaparte : « On devient l’homme de son uniforme.»
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