Dans leurs romans autobiographiques, François Taillandier et Arnaud Le Guern décrivent la province des années 1970 et 1990. Ces deux écrivains de race évoquent leurs failles intimes sans jamais sombrer dans le nombrilisme.
L’un, François Taillandier est né en 1955. L’autre, Arnaud Le Guern, vingt ans après, c’est-à-dire l’espace d’une génération. Les dates ont leur importance. On sait depuis le Baudelaire de Mon cœur mis à nu qu’elles servent d’abord à « dater les tristesses ». Il y a un point commun essentiel entre les deux textes qu’ils publient ces jours-ci, François, roman de Taillandier et Une jeunesse en fuite de Le Guern : il s’agit d’autobiographies. Pourtant, et c’est le cas dès le titre chez Taillandier, ces autobiographies se veulent des romans, dans le louable souci de se distinguer de ce courant qui métastase la littérature française : l’autofiction.
L’autofiction feint la mise à nu, l’autofiction est ce discours sur soi qui revendique une sincérité dont il est absolument dépourvu puisque l’autofiction prétend aussi à un réagencement fictif, comme son nom l’indique. Quand elle se trouve trop scandaleuse ou impudique, elle se revendique roman, mais quelques pages plus loin, elle niera toute légitimité à ce même roman, genre bourgeois et menteur par excellence. Cette sincérité à géométrie variable, suivez mon regard du côté d’Édouard Louis, qui fait rimer provocation et exhibition avant de se rétracter, n’est ni le genre de Taillandier ni celui de Le Guern.
Ces deux-là restent fidèles à ce fameux « pacte autobiographique » tel que l’a défini Philippe Lejeune, le spécialiste du genre : « Un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité », avant de continuer : « Pour qu’il y ait une autobiographie, il faut que l’auteur passe avec ses lecteurs un pacte, un contrat, qu’il leur raconte sa vie en détail, et rien que sa vie. » Pacte de sincérité, donc, qui fait sonner bien différemment à nos oreilles et de manière tellement plus émouvante et vraie, les récits de Taillandier et Le Guern.
Mais pourquoi les avoir appelés « roman » ? Précisément par souci de sincérité. Il est impossible de dire la vérité sur soi, il est impossible de tout dire. Ce n’est pas une question de pudeur, c’est admettre modestement que celui que nous
