Ces dernières années, il y a comme une invasion d’humoristes, dans les salles de théâtre, à la radio, à la télévision. Cette voie, l’humour donc, semble privilégiée par les nouveaux artistes, du moins, se revendiquant comme tels. Plus qu’artistes, certains brandissent leur rôle politique, leur droit de parler en tant qu’humoriste – comme si l’humour donnait une légitimité toute spéciale, celle de spectateur critique et cynique de la société, des mœurs et de la vie. Alors là, on ne rit plus vraiment. Contrairement à l’assertion de l’avisé Marx, dans le cas de l’humoriste, il arrive bien souvent que l’histoire se répète, mais sous la forme du tragique plutôt que de la farce.
Un rêve de gosse
C’est donc avec une pointe de soupçon que je me suis rendue à la Comédie des trois bornes au spectacle d’Arnaud Demanche, que je connaissais via les Gérard du Cinéma, de la télévision et de la politique (Paris Première). Le rêve américain – le nouveau Schwarzenegger, sera-t-il politique et vindicatif, ou ne sera-t-il pas? Aurons-nous droit à la satire politicarde, à la raillerie anti-ricaine? Pas du tout.
C’est un roman joué dans l’espace de la scène, celui d’un comédien, qui petit, rêvait de devenir acteur américain. Arnaud Demanche invite ses spectateurs à rêver avec lui, incarnant les pages non pas du roman d’un tricheur (pour parodier Sacha Guitry encore) mais du roman d’un acteur – car Arnaud Demanche est un comédien véritable, pouvant interpréter, à grande vitesse, plusieurs personnages à la fois, à la manière de Philippe Caubère. Le spectacle est alors enchanteur, la scène devient écran, ce qui n’est pas un hasard, puisqu’il s’agit de cinéma d’action, d’images-mouvement.
Plusieurs paires Demanche
Qui n’a jamais mimé son film préféré dans sa chambre? Qui n’a pas rêvé d’être artiste? Le show est drôle, émouvant, nous renvoyant au (x) film(s) de notre vie, mais ne manque pas d’impertinence: on rit d’un film social à la française, des scènes de vie de famille, virtuoses, le père appelant son ado qui ne sortira jamais de sa chambre, l’impayable rallye versaillais, les débuts d’acteur, réalisant des doublages de voix plus ou moins licencieux, la pub Tefal façon nippone (parce qu’il faut bien s’entraîner à devenir acteur américain), l’incontournable Piège en haute mer, Sur écoute, et la dadaïste version d’Antigone, du point de vue du garde des défunts Polynice et Etéocle.
Arnaud Demanche peut être tous ces personnages à la fois, et peut-être, je suis très sérieuse, pourra-t-il un jour sur scène nous présenter Les Métamorphoses d’Ovide, ou bien ses Métamorphoses, il en a le talent et la palette.
Stupéfiant, magnifique, nous nous prenons alors à rêver aussi, devant cette histoire burlesque, qui connaît une happy end à l’américaine… car même si le producteur marseillais n’est pas là pour signer, le protagoniste réussit brillamment un casting… Suspense !
Bref, des blagues, il y en a, mais pas seulement: Arnaud Demanche propose sa parole, son corps et son roman.
Arnaud Demanche, Le Nouveau Schwarzeneger, à la Comédie des 3 bornes, 32 Rue des 3 Bornes, Paris 11e, en novembre, les lundis à 19h et en décembre, les lundis et vendredis à 19h.
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