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Army Pride en Amérique


Army Pride en Amérique

Les soldats gays américains vont enfin pouvoir sortir du placard. En effet, c’est assez peu connu, mais il arrive que des homosexuels cherchent leur épanouissement professionnels en dehors du salon de coiffure, du ministère de la Culture, de livres publiés aux éditions P.O.L, des techno-parades et des bars du Marais.

Le précédent Lyautey

Certains aiment, par exemple, le commerce des armes. Et ils y réussissent brillamment. On se souviendra ainsi avec émotion de Lyautey, qui conquit le Maroc en s’enfonçant dans l’arrière-pays et dont le goût pour les sous-lieutenants n’était un mystère pour personne. Son meilleur historien, Douglas Porch, dans The conquest of Morocco, précise néanmoins qu’il ne fut jamais pour autant un partisan de la promotion tente comme il y a des promotions canapés et respectait une déontologie très stricte quand il s’agissait d’en accorder. Comme quoi, même un homosexuel peut faire la part des choses.

Que les homophobes français, et par exemple Sexion d’Assaut, se rassurent. Ce n’est pas de nous qu’il s’agit aujourd’hui, uniquement de l’armée étatsunienne. Alors, on respire un grand coup et on écoute. Un juge fédéral de Los Angeles vient d’invalider la loi qui forçait les gays à se cacher. Cette loi, pétrie d’hypocrisie protestante, était appelée loi DADT : Don’t ask, don’t tell, c’est-à-dire ne rien demander, ne rien dire. La juge Virginia Philips a ainsi estimé que ce texte était en contradiction avec les premier et cinquième amendements de la Constitution des USA qui garantissent, notamment, la liberté d’expression. La première réaction à cette remise en question de la DADT a été celle Lady Gaga qui a applaudi de ses deux mains manucurées. On n’est pas certain que ce soit la meilleure publicité dont aient pu rêver les GI gay qui, désormais, n’auront plus à se cacher des GI Joe – ou peut-être que si, justement ?

Plus prévisible, en revanche, l’extrême réserve exprimée par l’ancien candidat républicain John Mc Cain, héros de la guerre du Vietnam, qui avait bataillé ferme sur le sujet, se livrant à un baroud parlementaire sans parvenir à interdire la réintégration d’une infirmière lesbienne. Je sais, dit comme ça, infirmière lesbienne, ça fait un peu titre de film porno des années 1970…

Pour le reste, on passera assez vite sur les probables réactions de quelques brutes galonnées qui vont se désoler à l’idée d’aligner sur le terrain des sections de tafioles face aux Talibans aujourd’hui et aux Syriens ou aux Iraniens demain. Un homo dans l’armée, ça va, mais c’est quand il y en a beaucoup que ça pose des problèmes, doivent-il se dire.

Le précédent thébain

Ils ont tort. La fin de la loi DADT est une chance si on envisage les choses de manière beaucoup plus pragmatique, en se dépouillant de tout préjugé. Un constat, d’abord : l’armée américaine, officiellement hétérosexuelle, a pris branlée sur branlée ces dernières années. La seconde guerre du Golfe lui a coûté des milliers de morts et elle s’apprête à un départ la queue entre les jambes des derniers secteurs du pays qu’elle contrôle plutôt mal : Zone verte de Bagdad et quelques points ultra-fortifiés et sécurisés, vivant en autarcie comme l’a si bien décrit le reporter Adrien Jaulmes dans Amerak (éditions des Equateurs). Comment éviter à l’avenir de telles déconvenues ? En se rappelant qu’on se bat mieux quand on se bat pour ce qu’on aime. Etre commandé par un petit sergent latino à l’haleine aillée alors que vous ne flashez que sur les grands blonds aux noms suédois du Minnesota aurait plutôt tendance à achever de vous déprimer quand vous êtes cernés par des sunnites énervés du côté de Falloudja. Ou avoir pour compagnon de chambrée un puceau blanc de la Bible Belt confit en dévotion alors que vous adorez les grands Blacks de South Central, cela rend encore plus fraîches les nuits kabouliotes.

Les Grecs, et la ville de Thèbes, l’avaient compris parfaitement. L’homosexualité, non seulement n’est pas un inconvénient au combat mais un avantage. Le Bataillon Sacré, nous rapporte Plutarque et Polybe était considéré comme une des meilleures unités opérationnelles de l’Antiquité et elle était, comme l’infanterie française, constituée de binômes, mais de binômes dont chaque membre était amant de l’autre, ce qui leur donnait une motivation supplémentaire au combat. C’est Flaubert, qui montre dans Salammbô lors de la déroute des mercenaires assiégés et affamés dans le défilé de la Hache à quel point les Thébains étaient reconnaissables entre mille : « On s’endormait, côte à côte, sous le même manteau, à la clarté des étoiles.(…)Il s’était formé d’étranges amours, unions obscènes aussi sérieuses que des mariages, où le plus fort défendait le plus jeune au milieu des batailles […] et l’autre payait ces dévouements par mille soins délicats et des complaisances d’épouse. »

Il ne reste donc plus désormais à l’armée étatsunienne qu’à accorder les mêmes droits aux militaires hétérosexuels. C’est vrai, quoi, je ne vois pas pourquoi on devrait aller au trou sous prétexte qu’on a eu envie d’offrir une bière, et plus si affinités, à sa capitaine sexy, véritable sosie de Sarah Palin.



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