Si l’Ukraine a su remporter tant de victoires spectaculaires en une année de combats acharnés, c’est notamment en raison des armes qu’elle avait entre les mains. Volodymyr Zelensky parcourt sans relâche la planète pour en réclamer d’autres, parce qu’il sait que sans elles, une victoire ukrainienne est impossible.
L’Ukraine n’est pas tombée. Ni en trois jours. Ni en un an. Si elle n’est pas tombée, ce n’est pas seulement en raison de l’incroyable capacité de résistance du peuple ukrainien, qui se bat au front comme à l’arrière. Ce n’est pas seulement par cette abnégation qui conduit les guerriers ukrainiens à mourir en masse à Bakhmout, pourvu que leurs envahisseurs meurent davantage encore. Ce n’est pas seulement du fait de l’intelligence du commandement, qui a réussi un quasi sans faute en 12 mois de combat. Ce n’est pas seulement en raison de la spectaculaire médiocrité de l’armée russe, son commandement défectueux, sa planification incertaine, sa faible capacité au combat interarmes ou sa logistique des plus bancales.
Si l’Ukraine a su, à Kiev, à Tchernihiv, à Sumy, à Karkhiv, à Mikolaïv, à Kherson, remporter tant de victoires spectaculaires en une année de combats acharnés, c’est notamment en raison des armes qu’elle avait dans les mains.
Les Russes tirent quatre fois plus d’obus que les Ukrainiens
Si le président ukrainien parcourt le monde occidental, de Washington à Bruxelles, en réclamant sans relâche des armes, les plus nombreuses, les plus modernes, les plus performantes possible, c’est parce qu’il sait que c’est dans cette donnée essentielle que résidera la victoire ukrainienne.
Les soldats ukrainiens sont dotés des mêmes armes soviétiques que les Russes, de l’AK-47 Kalashnikov au char de combat T-72. Les arsenaux des pays de l’Union européenne anciennement membres du pacte de Varsovie sont en train d’être vidés au profit de l’Ukraine mais cela reste très insuffisant : l’Ukraine tire quatre fois moins d’obus de 155 mm que ce que la Russie envoie chaque jour sur les lignes ukrainiennes.
L’Ukraine a su développer ses systèmes d’armes propres, dont la performance a stupéfié la marine russe. C’est un missile antinavire Neptune, de conception soviétique mais d’amélioration purement ukrainienne, qui a entraîné par le fond la frégate Moskva, navire amiral de la flotte russe de la mer Noire. Depuis, les navires de surface de la flotte russe sont condamnés à se cacher dans les ports de Sébastopol et Novorossisk, en se contentant par moments de lancer des missiles de croisière à grande distance du littoral ukrainien. Les perspectives de débarquement russe sur le littoral ukrainien sont désormais exclues.
Mais c’est bien la fourniture à l’Ukraine par les Anglais et les Américains, entre 2014 et 2022, de systèmes d’armes lance-missiles, qui a permis la débâcle russe lors du premier mois de l’invasion. Si les carcasses de centaines de chars russes dont beaucoup de modèles récents se sont entassées devant les grandes villes ukrainiennes, c’est largement grâce aux missiles antichars Javelin américains et NLAW britanniques. Si les pointes blindées de l’armée russe, lancées à travers tout le nord-est de l’Ukraine ont dû reculer, c’est notamment parce que les camions de logistique censés les ravitailler se faisaient détruire en masse par les lance-missiles portables fournis par les Occidentaux. Si à compter de l’été, toute la planification logistique et de commandement russe a été bouleversée et repoussée chaque jour un peu plus vers l’arrière, c’est à la précision et au potentiel de destruction des lance-roquettes multiples HIMARS américains que les Ukrainiens doivent leur succès. Si les hélicoptères de combat et de transport de l’assaillant sont tombés comme des mouches lors de l’assaut initial sur l’aéroport d’Hostomel, c’est avant tout grâce aux Stinger américains. Si aujourd’hui le ciel d’Ukraine est vide d’avions russes au-delà des lignes de front, si les vagues de drones kamikazes et de missiles de croisière tombant sur les villes ukrainiennes sont de moins en moins efficaces, c’est grâce à la densité de la défense aérienne armée de ces lance-missiles (dont les Crotale français). L’arrivée prochaine des Patriot américains renforcera celle-ci de façon décisive.
Si demain le soutien s’arrête…
Lance-missiles, chars, avions, navires, radars, munitions en quantité, en ajoutant l’entraînement requis pour exploiter ces systèmes d’armes complexes qui surclassent de loin les meilleures armes russes : autant de conditions qui s’avèreront décisives pour une victoire de l’Ukraine.
Si en revanche le soutien occidental, américain, européen, français, devait s’interrompre, alors l’Ukraine tomberait. Malgré la bravoure, la vaillance, l’inventivité et la foi dans sa cause du peuple ukrainien, le rapport de force démographique et matériel permettrait alors à la Russie de l’emporter.
Nombre de voix en France et ailleurs, portées par la volonté de paix et la peur d’une escalade incontrôlable, demandent l’arrêt du soutien en armes à l’Ukraine, afin de privilégier l’organisation de négociations de paix. Ces pacifistes se leurrent. Il n’y aura pas de négociations de paix tant qu’une armée n’aura pas pris un avantage décisif sur l’autre.
L’Ukraine veut la libération de tout le territoire qui lui a été volé, du Donbass à la Crimée, en passant par les rives du Dniepr. La Russie elle, veut la conquête de l’Ukraine. « L’Ukraine n’a aucun droit à la souveraineté » affirmait le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov au déclenchement du conflit. Si les colonnes de chars russes ont foncé de Tchernobyl à Kiev, aux premières heures de cette guerre, si les « référendums » de rattachement à la Russie ont été organisés dans les oblasts de Zaporijia et Kherson, ce n’est pas pour « libérer » le Donbass, mais pour asservir et annexer la totalité du territoire ukrainien, de Donetsk à Lviv, de Kiev à Odessa.
Si l’Ukraine cesse d’être armée, l’Ukraine tombera. Si l’Ukraine tombe, la Russie la prendra toute entière. Puis la Moldavie. Puis la Biélorussie. Puis le corridor de Suwalki reliant celle-ci à Kaliningrad finira par jouer le même rôle que le corridor de Dantzig en 1939.
In fine, au-delà de toutes les postures, des espoirs, des regrets et des rêves de paix, cette guerre absurde se résume pour nous, Européens à un choix simple: armer l’Ukraine ou la laisser mourir.
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