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Arménie-Azerbaïdjan : Erevan paie pour la guerre en Ukraine

Bakou se trouve en position de force


Arménie-Azerbaïdjan : Erevan paie pour la guerre en Ukraine
Ursula von der Leyen et Ilham Aliyev à Bakou, 18 juillet 2022 CHINE NOUVELLE/SIPA 01081336_000001

Grâce à son positionnement stratégique entre la Russie et l’UE, Bakou jouit actuellement d’une marge de manoeuvre extraordinaire. Il compte en profiter pour arriver à un accord de paix avec l’Arménie qui soit tout à fait à son avantage.


Alors que le monde est distrait par le succès de l’Ukraine à Kharkiv, des combats importants sont menés à la frontière entre Azerbaïdjan et l’Arménie. Au moins une centaine de personnes ont déjà perdu la vie (une cinquantaine de chaque côté) et l’information disponible fait état de bombardements azerbaïdjanais à grande échelle et l’utilisation de drones contre des cibles à l’intérieur de l’Arménie, sur un long front allant de Kapan et Jermuk au sud, en passant par Vardenis et Tatev, jusqu’à Goris, localité située sur le couloir de Lechin. Il s’agit d’endroits situés en République d’Arménie, et non pas dans le Karabakh, même si ces point ne sont pas loin de cette région et parfois proche des endroits où la souveraineté est disputée (dans le cadre des négociations de paix entre Bakou et Erevan l’avenir de plusieurs territoires en dehors du Karabakh est à l’ordre du jour). 

Ces combats surviennent une quinzaine de jours après que les dirigeants des deux pays ont rencontré à Bruxelles le président du Conseil de l’Europe, Charles Michel, parrain des négociations. L’objectif de ces échanges était de faire le point sur les accords antérieurs obtenus lors de précédents sommets (ordre du jour des négociations, travail de comités) et notamment la question du couloir terrestre reliant l’Azerbaïdjan à la république autonome de Nakhitchevan (ce qui permettra d’établir une voie terrestre – autoroute, chemin de fer, pipeline – reliant l’Azerbaïdjan à l’Europe à travers la Turquie), la démarcation des frontières et plus globalement la possibilité d’un traité de paix.

Soudain, tout le monde a besoin de Bakou

Ces négociations sont confrontées à un problème central : le Karabakh. Le premier ministre arménien Nikol Pachinian et d’autres membres de son gouvernement sont très probablement favorable à la reconnaissance de la réintégration de la région à l’Azerbaïdjan, les forces qui s’y opposent en Arménie (le « parti du Karabakh » et les pro-russes par exemple) et ailleurs (notamment les diasporas française et américaine) sont puissantes, de sorte que, avancer sur ce chemin, c’est prendre le risque d’une crise politique majeure. Ainsi, les discussions s’éternisent autour des exigences arméniennes concernant la sécurité et les droits des Arméniens du Karabakh qui vont vivre à partir de 2025 sous la souveraineté azerbaidjanaise. Bakou est prêt à assurer leurs droits individuels (y compris la liberté religieuse) mais refuse toute reconnaissance des droits collectifs (sauf l’apprentissage de la langue). On peut donc conclure que la délégation azerbaidjanaise a été plutôt déçue de ces rencontres à Bruxelles et craint un enlisement. A Bakou on comprend les difficultés de Pachinian mais on n’a pas l’intention de lui laisser jouer la montre. D’autant plus que dans un paysage géopolitique changeant Bakou est en position de force. Car cette escalade a lieu alors que la Russie est distraite par la campagne ukrainienne et ses récents revers autour de Kharkiv. L’importance de l’Azerbaïdjan aux yeux de la Russie s’est considérablement accrue face aux sanctions européennes,  car Moscou a besoin de voies de transit alternatives pour se connecter à l’Iran et à l’Asie. En même temps et pour les mêmes raisons, l’influence de Bakou à Bruxelles est elle aussi plus importante car le gaz d’Azerbaïdjan aiderait à assurer les besoins du flanc sud-est de l’Europe (Grèce, Bulgarie, Moldavie), qui ne pourra plus compter sur le fournisseur russe. Autrement dit, la brique azerbaidjanaise est un élément indispensable dans le dispositif anti-russe des États-Unis, de l’Union européenne et de l’OTAN.   

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L’Azerbaïdjan se trouve aujourd’hui dans une position privilégiée, dans laquelle il jouit, dans un monde multipolaire, d’une marge de manœuvre sans précédent dans toutes les directions. La dernière action militaire en est l’expression. Elle remet en question la capacité de la Russie à servir de parrain à l’Arménie mais aussi les initiatives diplomatiques menées par Bruxelles. Pour la première fois on est proche d’une situation de tête à tête entre Bakou et Erevan, ce qui accentue l’avantage azerbaïdjanais. Et à Bakou on a décidé d’en profiter pour aboutir le plus rapidement possible à un accord de paix en directe, en continuité avec la déclaration tripartite (Arménie, Azerbaïdjan, Russie) du 10 novembre 2022.      

Ainsi, même si des puissances extérieures, notamment Moscou, continuent à jouer les pompiers et négocient un cessez-le-feu, de telles escalades se poursuivront probablement dans le cadre d’une logique coercitive.




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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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