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Fanny Ardant échappe toujours au cinématographiquement correct

Le billet de Philippe Bilger


Fanny Ardant échappe toujours au cinématographiquement correct
Fanny Ardant sur le tapis rouge de Cannes, en 2019. © SYSPEO/SIPA

Fanny Ardant a accordé un entretien à l’hebdomadaire Version Femina. Ses confidences ont passionné notre chroniqueur.


Ardente Ardant… Pas d’adjectif plus approprié pour définir cette brûlante personnalité qu’est Fanny Ardant ! Certes je pourrais ne pas abandonner le terrain politique et dénoncer les dérives sociétales du président de la République qui, confronté à l’impuissance de faire, se consacre à défaire ce qui maintenait la « condition humaine » – ce que déplore Jean-Pierre Le Goff dans Le Figaro. Mais il me semble que, si on n’est pas persuadé d’énoncer autre chose que des platitudes sans être capable de les vivifier grâce à une forme inventive, mieux vaut se livrer au plaisir de commenter ce que l’actualité vous a offert de remarquable, notamment sur le plan artistique.

Pas de côté

Et c’est dans ce domaine que surgit l’inimitable Fanny Ardant qui, âgée de 74 ans, est incapable de proférer la moindre banalité. Elle parvient ainsi à donner du prix au questionnement même le plus inévitable (Version Femina) et dépasse ce que le caractère en partie promotionnel des échanges pourrait avoir d’artificiel. Tout serait à retenir parce que Fanny Ardant échappe au cinématographiquement correct et jouit d’une solitude qui préserve son absolue singularité.
Deux passages m’ont particulièrement intéressé. Le premier concerne cette interrogation : « Rien ne vous fait donc peur ? ». Fanny Ardant développe alors, en peu de mots, une conception de la vie sociale et de l’existence intime qui me touche d’autant plus que, sans la moindre vanité, je la perçois comme familière et presque consubstantielle à mon être.

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Que dit Fanny Ardant ? « Je suis arrivée à ce point de ma vie où les jeux sont faits : j’ai vécu et aimé ce que j’ai vécu… Je n’ai pas plus d’amis que cela, je suis peu sociable et sors rarement, car la mondanité est creuse et la vraie conversation devient difficile pour une femme qui comme moi s’enflamme pour des causes… Mon père me demandait d’être douce et de ne pas donner de leçons, mais j’ai toujours vendu le bonheur contre l’intensité ».

Fanny Ardant, la certitude de la flamme

Je ne crois pas qu’on puisse, même avec une joyeuse résignation, soutenir à quelque âge que ce soit que « les jeux sont faits ». Il y a toujours du futur et de l’indéterminé, du possible, de la surprise en attente. C’est pour cela que je n’ai jamais jugé « la vieillesse comme un naufrage », à partir du moment où on ne l’appréhendait pas comme une fin mais telle une nouvelle page de sa destinée. L’inquiétude sur la finitude n’en était pas dissipée pour autant mais au moins, au quotidien, « l’intensité » ne faisait jamais défaut. Comme je comprends Fanny Ardant qui, dans l’arbitrage à opérer à tout instant entre le calme et l’extrême, choisit cette intensité. Avec la démonstration éclatante de la nécessité de soi, plutôt que le parfum tiède du bonheur. La certitude de la flamme plus que la béatitude trompeuse du feu doux.

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La seconde fulgurance de Fanny Ardant, directement raccordée aux controverses d’aujourd’hui sur les rapports entre les femmes et les hommes et les comportements décents à adopter, est liée, alors qu’elle a trois filles, à son bonheur de pouvoir continuer à considérer l’homme comme « un mystère ». Elle aime les hommes pour cela : ils sont « un territoire inconnu, des contrées étrangères. Et je ne supporte pas qu’on les domestique car cela ne m’intéresse pas qu’ils deviennent une reproduction de la femme ». Quel talent, quelle profondeur ! Qu’on ne les sous-estime pas, c’est du grand art de savoir parler de soi sans tomber dans le narcissisme, en s’efforçant de penser, à partir de soi, pour l’intelligence de tous.
Oui, ardente Ardant !

Fanny Ardant est à l’affiche de Les Rois de la piste, de Thierry Klifa, demain en salles NDLR.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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