Arabie Saoudite: plutôt Al-Qaïda que l’Iran!


Arabie Saoudite: plutôt Al-Qaïda que l’Iran!

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Voici un an que la coalition américaine est en place avec ses « alliés » officiels turcs et arabes sans parvenir à vaincre Daech. La prudence américaine qui consiste à ne pas soutenir Assad ou les milices chiites inféodées à l’Iran explique sans doute le relatif statu quo. Mais surtout le peu d’entrain des armées des pays du golfe à combattre les groupes djihadistes, comme l’Etat Islamique, n’aide pas à la reconquête. Et puisque les partisans d’Abou Bakr Al-Bagdadi se battent contre les hérétiques chiites et les Kurdes; les ennemis de mes ennemis chiites sont mes amis djihadistes…

Pour mieux se tenir à distance de cette sale guerre américaine aux confins de Irak et de la Syrie, les monarchies du Golfe se sont lancées depuis le printemps 2015 dans une autre campagne aérienne. Les partisans d’Ali Abdallah Saleh et les houthis avaient repris une bonne partie du pays yéménite, un peu comme Bachar Al-Assad en Syrie au début de l’année. Faisant d’une pierre deux coups, les états-majors arabes peuvent prétexter cette nouvelle menace au sud pour se détourner de l’aide à l’Amérique contre l’Etat islamique. Dans le même temps, faire la guerre à l’Iran et ses alliés houthis au Yémen affaiblit indirectement les moyens chiites engagés en Irak-Syrie.

Et là, étrangement, la coalition arabe fait du dégât. Et l’ennemi recule. Au Yémen, la prudence de mise sur l’Euphrate n’a plus lieu d’être. Plus question de « frappes chirurgicales » puisque les Américains ne sont pas là pour valider ou non les bombardements. C’est donc un véritable carnage aérien qui s’abat sur le Yémen. Son patrimoine fait les frais d’un « bombing carpet » que n’aurait pas renié Bachar Al-Assad. Ce ne sont pas quelques barils d’explosif qui sont lâchés au hasard des villes mais des bombes de plusieurs centaines de kilos. Les vieux quartiers d’Aden ou de Sanaa sont éventrés, tandis que civils et militaires croulent sous les gravas. Soutien a minima en Irak et en Syrie mais engagement frénétique au Yémen, il faut croire que le clivage religieux pèse davantage que la défense des restes du printemps arabe.

Pas plus qu’en Syrie, les pays du Golfe n’ont les capacités à s’engager au sol dans une guérilla et un conflit contre-insurrectionnel au sud de la péninsule arabique. C’est donc les milices d’Al-Qaïda qui occupent le terrain préparé par l’aviation saoudienne. Dans les ruines du port d’Aden, le drapeau noir du djihad flotte au vent, a annoncé l’agence Reuters le 23 août. Aden, la porte d’entrée sur la mer Rouge, l’ancien relais britannique entre Suez et les Indes, regarde encore passer une bonne partie du commerce mondial. Depuis l’attaque de l’USS Cole en 2000 à Aden, les américains neutralisent à partir de leur base de drones à Djibouti les chefs djihadistes qu’ils détectent quand les européens font la chasse à la piraterie des chebabs somaliens. Autant dire qu’avec Al-Qaïda aux commandes du port d’Aden, la lutte n’est pas terminée.

Là plus qu’ailleurs, les intérêts américains se heurtent à ceux de ses alliés arabes. Au Yémen, l’Amérique n’a plus aucune prise sur l’action des pétromonarchies. Échaudée par l’accord avec l’Iran et méfiante face au rééquilibrage moyen-oriental de l’Amérique en faveur des chiites, la diplomatie saoudienne ne semble pas mesurer les conséquences politiques de ses raids aériens. Face à un ennemi intérieur (Al-Qaïda) pourtant menaçant pour la monarchie, l’activisme anti-chiite qui consiste à lui faire de la place à l’extérieur équivaut à se tirer une balle dans le pied.

Sur plus d’un théâtre d’opérations, les intérêts communs saoudien et djihadiste au Moyen-Orient semblent plus présents que jamais. À court terme du moins.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21767921_000002.



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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