Bernard Guetta nous l’assurait il y a quinze jours dans Libé, « il n’est pas facile d’être arabe » en France. Il paraît que ça amalgame à tout va et que ça stigmatise sec dans ce pays, où Dieu sait qu’il ne fait pas bon recevoir des stigmates à l’ère des Louis-Georges Tin et autres Ludovic-Mohamed Zahed.
Pour nous prouver que l’arabe du présent n’a rien à voir avec les bouchers de l’Etat islamique, Guetta nous parle d’islam, d’islam… et d’islam. Mélangeant allègrement l’arabité avec l’appartenance à la religion mahométane, le chroniqueur international prend la défense de « ces musulmans d’Europe qui ne veulent plus être regardés comme une catégorie à part mais, avant tout, comme français, allemands ou autres » qu’il désigne un peu plus bas comme des « Arabes ».
Quitte à attaquer l’essentialisation, menons vraiment l’assaut : une grande civilisation arabe a précédé l’apparition de l’islam au VIIe siècle, donnant entre autres une immense poésie antéislamique que les clercs musulmans ont trop hâtivement baptisée Jahiliyya (« ère de l’ignorance »). Guetta ne s’embarrasse pas de ces détails, emporté par sa fougue anti-amalgamiste, il en oublie que « les mondes arabes » ne se réduisent pas à l’islam – et réciproquement -, les inventeurs du nationalisme arabe étant pratiquement tous chrétiens, et dans une moindre mesure athées et juifs. De pareilles étourderies seraient bien innocentes si elles ne validaient involontairement la purification religieuse en cours au Levant, où l’Etat islamique coupe tout ce qui dépasse de sa vision étroite du Coran, Arabes chrétiens compris.
Libération et Guetta n’ont malheureusement pas le monopole de la bourde. L’autre soir, j’ai failli tomber de mon lit tandis que je regardais la retransmission en ligne d’iTélé. Le temps d’effectuer une capture d’écran malpropre, je vous livre ce moment d’anthologie journalistique[1. Transcription pour les presbytes : « Berlin veut inciter les pays arabes, l’Iran et la Turquie au premier rang (sic), à combattre le groupe Etat islamique. »] :
Allez, on mettra cette bévue sur le compte d’un stagiste pas tout à fait au point sur la géopolitique et l’ethnogénèse moyen-orientales. Une erreur de jeunesse peut-être pas si grave, d’autant que j’ai moi aussi une petite tendance à la déconstruction, puisque je crois détecter mille fois plus d’arabité chez l’Arménien de Beyrouth ou d’Alep que dans la cervelle atrophiée du zyva de banlieue accro à la fumette et aux Nike. Mais ne stigmatisons pas…
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