Le poème du dimanche
Comment mieux célébrer le 11 novembre qu’en convoquant Guillaume Apollinaire mort de la grippe espagnole deux jours avant l’armistice, affaibli par une blessure à la tête le 17 mars 1916, au Chemin des Dames alors qu’il était engagé volontaire depuis avril 1915 ? Sous-lieutenant au 96ème régiment d’infanterie, décoré de la Croix de guerre, Il avait été naturalisé français une semaine plus tôt. Rarement on aura vu une poésie mêlant à ce point l’amour fou et la mort, dans une célébration fascinée de l’horreur et de la paradoxale beauté des combats. Les dernier vers du poème que nous proposons, « Chef de section », extrait de Calligrammes, est particulièrement saisissant.
Chef de section
Ma bouche aura des ardeurs de géhenne
Ma bouche te sera un enfer de douceur et de séduction
Les anges de ma bouche trôneront dans ton cœur
Les soldats de ma bouche te prendront d’assaut
Les prêtres de ma bouche encenseront ta beauté
Ton âme s’agitera comme une région pendant un tremblement de terre
Tes yeux seront alors chargés de tout l’amour qui s’est amassé dans les regards de l’humanité depuis qu’elle existe
Ma bouche sera une armée contre toi une armée pleine de disparates
Variée comme un enchanteur qui sait varier ses métamorphoses
L’orchestre et les chœurs de ma bouche te diront mon amour
Elle te le murmure de loin
Tandis que les yeux fixés sur la montre j’attends la minute prescrite pour l’assaut.
Guillaume Apollinaire
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