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Antonioni, Rosi, Bolognini : révisez vos classiques italiens

Un coffret DVD sur l’âge d’or du cinéma italien


Antonioni, Rosi, Bolognini : révisez vos classiques italiens
Claudia Cardinale dans "La Vitaccia".

Avis aux amateurs d’Antonioni, Rosi, Bolognini : un coffret DVD patrimonial sur l’âge d’or du cinéma italien vous ravira.


Pour la modique somme de 20 euros, cinéphiles et néophytes auront plaisir à acquérir un beau coffret consacré au cinéma italien. Peu de points communs entre ces quatre films proposés sinon qu’ils datent tous de la même époque (le tout début des années 60) et qu’ils offrent un petit aperçu de la grande vitalité d’une des cinématographies les plus riches au monde à cette époque.

Magouilles, argent et politique

Pour trouver un fil directeur, peut-être faudrait-il remonter au « néo-réalisme » qui marqua une étape décisive de la modernité. Aucun des films de ce coffret ne peut être associé à ce néo-réalisme mais chacun à sa manière témoigne de ce rapport au Réel qui a tant hanté les cinéastes transalpins.

Pour Rosi (Main basse sur la ville), le réel s’envisage sous la forme d’un « dossier ». A Naples, un entrepreneur véreux spécule sur des terrains agricoles et lance un grand chantier immobilier. A la suite de cela, un immeuble ancien s’écroule et provoque la mort d’un enfant. Une enquête est lancée à la municipalité suite aux polémiques provoquées par cette entreprise immobilière pilotée par Nottola qui, par ailleurs, intrigue pour gagner sa place au conseil municipal…

Le film de Rosi est une description implacable de la vie politique italienne (mais le propos ne paraît pourtant pas du tout daté !) où les jeux des alliances contre-nature servent des intérêts financiers démesurés et une corruption sans limite. Le cinéaste ne fait pas dans la nuance lorsqu’il s’agit de dénoncer les dessous de table, les prévarications, les trafics d’influence et de montrer une classe politique vérolée, faisant passer avant toute chose des intérêts particuliers, y compris avant des vies humaines. La démonstration prend parfois un tour un peu schématique mais elle n’en demeure pas moins diablement efficace.

Rosi démonte les rouages de la politique 

L’un des personnages à une réplique particulièrement parlante : « En politique, l’indignation morale ne sert à rien ». Le défaut du film est peut-être de jouer trop la carte de la posture morale chère aux fictions de gauche (le conseiller communiste est celui qui révèle les scandales et cherche à s’opposer aux malversations). Dans ces moments, Rosi n’évite pas un certain manichéisme. Mais à cette réserve près, Main basse sur la ville est un puzzle assez passionnant dans sa manière de démonter les rouages de la politique dans ce qu’elle peut avoir de plus dégoûtant.

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Chez Antonioni, le « Réel » a tendance à s’évaporer, à perdre de son sens. On ne vous fera pas l’affront de vous présenter à nouveau L’Avventura, jalon essentiel dans l’histoire de la modernité cinématographique. Tandis qu’Hitchcock, la même année, faisait disparaître son héroïne au premier tiers du film dans Psychose, Antonioni bâtit également tout son récit autour de la disparition d’Anna, une jeune et riche héritière qui occupait jusqu’à présent le devant de la scène. Cette disparition ouvre une béance dans le récit classique qui s’étiole face à un monde devenu opaque et sans repères. L’enquête pour retrouver la jeune femme disparue devient une quête existentielle où le cinéaste pose les bases de ce qui deviendra son style : décadrages, utilisation de courtes focales pour donner une importance considérable à la profondeur de champ et donner le sentiment, par le cadre, le mouvement, que les personnages sont happés par le vide alentour, errances… Les thèmes de l’auteur apparaissent également : la fameuse incommunicabilité, les impasses du couple, un sentiment de déréliction qui se conjugue avec une certaine détresse existentielle…

Bébél chez Bolognini 

Même on peut préférer les films ultérieurs du cinéaste, plus « abstraits » et détachés de cette philosophie existentialiste qui irrigue son cinéma jusqu’au mitan des années 60, L’Avventura n’en demeure pas moins un film magnifique, une longue errance où la beauté de Monica Vitti irradie un univers en perte de sens.

Le réalisme est également une pierre angulaire du cinéma de Bolognini (du moins, dans les deux cas présents car il tentera par la suite quelques essais dans le domaine du fantastique). La Viaccia relève moins d’une veine néo-réaliste à la Rossellini/De Sica que du naturalisme à la Zola. Amerigo (Jean-Paul Belmondo) quitte sa campagne natale pour Florence où il doit travailler pour son oncle. Il s’entiche d’une prostituée (comme ne pas le comprendre lorsqu’on sait qu’elle a les traits de Claudia Cardinale ?) et va être contraint de voler son « bienfaiteur » afin de subvenir aux besoins de la belle…

Récit initiatique où l’on retrouve les oppositions classiques entre le monde rural et le monde urbain, entre l’idéalisme des sentiments et l’argent qui corrompt le sentiment amoureux ; le film se révèle constamment alourdi par le poids de la fatalité, de l’atavisme familial (« la viaccia » est le domaine familial convoité par toute la tribu) et d’une destinée forcément funeste. En dépit du couple vedette tout à fait remarquable (le juvénile Belmondo au moment où il conquiert ses galons de vedette, une sublime, forcément sublime Claudia Cardinale), La Viaccia est un peu décevant, pas très bien construit même si, çà et là, le film témoigne à sa manière de l’évolution d’un pays coincé entre tradition et modernité. De plus, même si ces considérations me laissent froid en temps normal, il faut préciser pour être honnête que la copie présentée est à peine correcte. Le DVD ne propose même pas d’interface pour « lancer » le film (qui démarre tout de suite) et j’ai eu l’impression de me retrouver 25 ans en arrière en train de regarder un film du « Cinéma de minuit » enregistré sur une VHS (avec les sous-titres en blanc). Dans la mesure où Bolognini est un cinéaste plutôt raffiné, attentif aux décors, ce film moyen est en plus desservi par cette copie.

Mastroianni homme-objet

Plus intéressant et dans une copie de bonne qualité (même si le film a été restauré depuis), Le Bel Antonio témoigne également des évolutions de la société italienne. D’un côté, le poids oppressant des traditions incarnées par un Pierre Brasseur qui inculque à son fils les préceptes les plus archaïques d’une société patriarcale (virilisme, réduction du rôle de la femme à celui de mère ou, éventuellement, de putain…). De l’autre, l’image du « mâle » italien qui s’ébrèche, se fissure pour laisser voir un autre visage. Mastroianni incarne à la fois un « homme-objet » sur lequel toutes les femmes se retournent mais aussi une certaine crise du « latin lover », témoin privilégié de ses doute et de ses évolutions. Le film de Bolognini frappe par la modernité de son approche puisqu’il aborde de manière directe l’impuissance masculine. Si Antonio a toutes les filles à ses pieds, il est incapable de satisfaire celles dont il tombe amoureux. C’est d’autant plus frustrant qu’il est marié à la plus belle femme du monde (Claudia Cardinale, encore et toujours !). A travers ce postulat, Bolognini et son scénariste – un certain Pier Paolo Pasolini- dévoile les hypocrisies d’une société hiérarchisée autour de mariages arrangés au sein duquel l’homme doit tenir un certain « rôle » (la virilité, la puissance) tandis que la femme n’est là que pour donner naissance à un enfant. Si le film touche, c’est qu’Antonio représente un amour « pur », au-delà du sexe et de la reproduction, et pourtant interdit parce que non-conforme aux traditions. La scène finale où Antonio contemple son reflet désormais flou est assez bouleversante et traduit à merveille les enjeux du film, drame psychologique toute autant que comédie de mœurs acerbe, qui montre une nouvelle génération d’hommes advenir et les contours brouillés de son identité.

C’est d’ailleurs peut-être un autre point commun de ces quatre films : montrer l’émergence de nouveaux flux, de nouveaux visages, de nouvelles identités au cœur d’une société italienne encore arc-boutées sur ses traditions (l’église, le mariage, la terre…).

Coffret cinéma italien : 4 films (Editions Montparnasse)

L’Avventura (1960) de Michelangelo Antonioni avec Monica Vitti, Lea Massari

Main basse sur la ville (1963) de Francesco Rosi avec Rod Steiger

La Viaccia (1961) de Mauro Bolognini avec Claudia Cardinale, Jean-Paul Belmondo

Le Bel Antonio (1960) de Mauro Bolognini avec Claudia Cardinale, Marcello Mastroianni, Pierre Brasseur

Le Cinéma italien

Price: 50,90 €

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est cinéphile. Il tient le blog Le journal cinéma du docteur Orlof

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