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Le roi de la belle libéré

Antonio Ferrara: une espérance inquiète


Le roi de la belle libéré
Antonio Ferrara © D.R.

Antonio Ferrara a été libéré le 8 juillet, à l’âge de 48 ans. Un peu avant l’expiration de sa sanction grâce à une confusion des peines, selon son avocat, et à « un comportement exemplaire » en prison.


Apparemment donc, rien de scandaleux dans cette sortie. Il était surnommé « le roi de la belle » parce qu’il s’était évadé à deux reprises. Je me souviens bien de lui car j’étais l’avocat général dans un procès où il était poursuivi, avec neuf co-accusés, pour l’attaque d’un fourgon blindé à Toulouse en 2001. Deux d’entre eux seulement avaient été condamnés, trahis par les ADN retrouvés sur les lieux du crime.

« Il avait gâché des dons et des qualités qui auraient mérité un meilleur sort« 

Antonio Ferrara tranchait dans un monde où le culot, l’aplomb, l’agilité intellectuelle, le sens de la répartie et une sorte de tenue n’étaient pas très répandus. Aux gardiens de prison, il avait inspiré comme du respect : il se tenait tranquille tant qu’on le laissait en paix. Sans doute s’est-il assagi au fil du temps pour avoir été crédité d’un « comportement exemplaire » à la Maison centrale de Réau, lors de sa libération.

Lors de notre confrontation judiciaire qui s’était déroulée dans un climat apaisé – que je cherchais toujours à créer car non seulement il n’empêchait pas la manifestation de la vérité mais la favorisait -, au-delà de ses dénégations j’avais été frappé par sa personnalité, la qualité de son expression, une ironie jamais méchante et en définitive par le fait qu’il avait gâché des dons et des qualités qui auraient mérité un meilleur sort, plus digne d’estime. Je l’avais questionné sur ce point qui concernait le destin qu’il aurait pu avoir s’il n’avait pas succombé à la facilité et à la tentation criminelle. Il m’avait écouté avec attention puis avait rétorqué, avec une franchise souriante, qu’il ne tenait pas à mener une existence lui assurant seulement le SMIC.

« Je mesure les tentations qui peuvent guetter une telle personnalité »

Sa compagne d’alors – je ne sais si la femme avec laquelle il a affirmé vouloir mener « une vie tranquille » avec ses deux enfants après sa libération est la même – avait été entendue et si j’avais relevé leur complicité amoureuse, j’avais aussi perçu la posture qu’il s’était senti obligé d’adopter devant elle, plus provocateur et « mec » qu’il ne l’avait été avant son témoignage. Jouant un rôle pour elle. J’avais remarqué, comme souvent, que dans les dérives criminelles le besoin d’épater femmes ou compagnes n’était pas un ressort négligeable. Après son acquittement je n’avais pas suivi son parcours judiciaire et pénitentiaire et sa libération l’a remis, lui, dans ma mémoire.

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Dirais-je que je suis totalement rassuré pour son avenir d’homme libre ? Il est encore en pleine force de l’âge et dans mon espérance – je suis persuadé qu’il a tout pour se tenir du bon côté de la vie et qu’il est sincère quand il se dit convaincu de l’honnêteté de son futur -, demeure un peu d’inquiétude. Je mesure les tentations qui peuvent guetter une telle personnalité dont le passé transgressif a été aux antipodes du futur serein qu’il nous promet et qui est souhaité par tous.

Avec François Besse qui était beaucoup plus âgé quand il est sorti de tout processus judiciaire, je n’avais pas éprouvé la moindre crainte. C’était d’ailleurs la seule fois de ma vie judiciaire où j’intervenais pour favoriser une libération conditionnelle. Son avenir ne m’a pas donné tort. Mais pour rien au monde je ne voudrais, pour Antonio Ferrara, spéculer sur une politique du pire. Bien au contraire. Il ne lira pas ce billet mais s’il en était informé, je forme le vœu qu’il accepte de ne me laisser, à son sujet, que l’espérance en la délestant de toute inquiétude.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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