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Antoine Blondin, maillot jaune de la cuite

Les cartes postales de Pascal Louvrier


Antoine Blondin, maillot jaune de la cuite
Portrait du romancier et journaliste français Antoine Blondin, réalisé dans son bureau en 1955. © AFP/UPI PHOTO UPI / AFP

 


Nouvelle carte postale avec Les enfants du bon Dieu, roman d’Antoine Blondin, longtemps également journaliste sur le Tour de France, et auteur d’Un singe en hiver à la scène de beuverie culte.


Dans ma valise, un Blondin pris au hasard, en poche. En fait, j’avais en tête cette phrase qui invite au voyage : « Un jour nous prendrons des trains qui partent. » C’est la dernière phrase de L’humeur vagabonde.  Je me suis promené souvent dans les gares, sans prendre de trains, juste pour les regarder arriver, partir. Des gares de province presque endormies. Je me souviens d’un vieil homme, l’hiver, assis sur le quai, avec une valise à ses pieds. Mais je les préfère l’été, avec l’odeur de pierre à briquet des freins, ou celle, plus entêtante, du goudron qui fond sous le soleil, et le regard de l’homme à la fenêtre du compartiment qui envoie un baiser à la jeune blonde aux épaules nues.

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Toute la vie dans une gare

C’était beau une gare, dans les années soixante-dix. Ça pinçait le cœur. Comme le roman de Blondin que je viens de finir, pas L’humeur vagabonde, mais Les enfants du bon Dieu. Il s’agit d’un roman autobiographique, écrit en 1952. Il est question d’un prof d’histoire, Sébastien Perrin, marié à une jeune fille de la bourgeoisie, d’origine russe, Sophie. Le couple loge dans l’appartement des beaux-parents de Sébastien dans le quartier de l’Ecole militaire, « où les avenues sont profondes et calmes comme des allées de cimetière. » Cette première phrase résume Blondin : un désespéré tranquille. La vie est une farce. Blondin écrit ce roman, plein de tendresse et de légèreté, à l’âge de trente ans. Il porte un regard désabusé sur le monde. Comme son personnage, son double, qui se dérobe quand les hommes deviennent trop sérieux. Enseigner l’Histoire, ça flanque le bourdon. On constate que c’est toujours le peuple qui paye l’addition. Sébastien Perrin s’ennuie dans les bras de Sophie. Heureusement, il retrouve la belle Albertina, une jeune princesse allemande, aimée quand il travaillait comme garçon d’écurie dans la ferme de son père. C’était à la fin de la guerre, ça s’appelait le STO (Service du Travail Obligatoire). J’aime tout particulièrement le chapitre VII.

Il y a de belles phrases, justes, sur les amants.  « L’adultère en rase campagne, écrit Blondin, convient aux cœurs simples. Il ne fortifie pas ceux dont la passion, ou le plaisir, se rehausse des ruses qu’il leur faut déployer pour l’assouvir. » Plus loin, le romancier note : « Les amants sont des urbanistes, ils retracent des routes, réveillent des itinéraires oubliés, rendent la vue aux hôtels borgnes. » À propos de sa maîtresse, Blondin, enfin Perrin, confesse : « La seule faiblesse d’Albertina était qu’elle m’aimât sans partage, la mienne était que j’ignorasse pourquoi elle m’aimait. Ainsi faisions-nous, en quelque sorte, jeu égal et marchions du même pas. » Stendhal n’eût pas dit mieux.

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Chroniqueur sur le Tour de France

Blondin est davantage connu pour ses articles sportifs. Il a suivi pour L’Équipe vingt-sept éditions du Tour de France. Sous sa plume, la course cycliste la plus célèbre du monde se transformait en une pièce tragique, avec parfois la mort au tournant. Henri Verneuil a également contribué à la notoriété de Blondin en tournant Un singe en hiver, histoire tirée de son roman devenu le plus lu. Audiard a écrit les dialogues et les acteurs principaux, Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo, ont fait de ce film, un film culte. La cuite monumentale est grandiose. Blondin savait de quoi il parlait. Il écumait les estaminets de Saint-Germain-des-Prés. Son lieu de prédilection : le zinc du Bar Bac, à deux pas de La Table ronde, sa maison d’éditions. L’alcool l’aidait à oublier ces trains qui finissent par partir sans nous. Comme la littérature le  protègeait de la jungle peuplée d’adultes.

En 1955, Blondin accepta de participer à l’hommage rendu par la revue « Défense de l’Occident » à Robert Brasillach, écrivain collaborationniste, fusillé au Fort de Montrouge, le 6 février 45, à l’âge de 36 ans. Son texte commence ainsi : « Les gens qui cherchent aujourd’hui les écrivains de droite et ne les trouvent pas auraient intérêt à se rendre au cimetière. De même ceux qui nous demandent où sont nos maîtres… »

Antoine Blondin est enterré au Père-Lachaise. Sa tombe n’est pas facile à trouver, au cas où vous souhaiteriez lui rendre visite.

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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