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Antiviral, ou la mélodie des miasmes


Antiviral, ou la mélodie des miasmes

antiviral brandon cronenberg

Antiviral, premier long métrage de Brandon Cronenberg, montre que son réalisateur est bien le fils de son père. On y retrouve en effet des éléments dignes des premières œuvres de David Cronenberg, comme Rage, Chromosome III, Scanners ou Videodrome, voire de ses productions plus récentes comme Crash ou Existenz.
Loin d’être parfait, ce long métrage réalisé à partir d’un scénario écrit en 2004 et qui prit tout d’abord la forme du court-métrage Broken tulips en 2008 peut néanmoins être considéré comme une réussite. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance, l’intrigue du film étant pour le moins risquée pour un premier film : à Toronto, dans un futur proche, des hordes de fans nourris à la presse people et la téléréalité sont prêts à vendre père et mère pour se faire injecter les virus, maladies et autres miasmes qui ont infecté leurs idoles et payent même le prix pour fort pour avoir cette chance.
En bonne logique marchande, des sociétés commerciales prospèrent sur le dos de ces aficionados prêts à sacrifier leur santé dans un souci de mimétisme, afin de communier avec leurs idoles dans la souffrance.  Ces sociétés vont jusqu’à vendre des steaks « cellulaires » reconstitués à partir de cellules prélevées sur les stars et qui se négocient à prix d’or, l’adoration pour ces dernières prenant ainsi la forme d’un cannibalisme new age. Dans l’une de ces cliniques spécialisées, un employé du nom de Syd March (interprété par Caleb Landry Jones) fait du marché noir en revendant ces virus à des organisations criminelles. Son activité n’est pas seulement intéressée car ce dernier nourrit aussi une admiration sans faille pour la star Hannah Geist, une des collaboratrices les plus prestigieuses de la clinique et l’un de ses meilleurs faire-valoir.
Cependant, la vie de Syd va basculer le jour où il se trouvera malencontreusement infecté par un virus mortel créé artificiellement pour tuer à petit feu la fameuse Hannah Geist. Il va alors se retrouver la proie des organisations criminelles et autres collectionneurs morbides. Au fur et à mesure que progresse sa maladie et que son corps tombe en décrépitude, il va devoir enquêter sur l’origine de cette dernière et mettre tout en œuvre pour échapper au funeste destin de son idole, la fabrication d’un sérum à partir de la souche originale du virus étant seule à même de le sauver.
Questionnant une certaine superficialité inhérente à notre société et abordant des questions comme la bioéthique, les expérimentations médicales, la marchandisation du corps ou l’espionnage industriel, Antiviral est un long métrage d’anticipation froid et dérangeant avec une esthétique dépouillée à l’extrême que viennent rompre des explosions de violence sanglante.
Les décors se résument à des chambres purement fonctionnelles et à des corridors aux murs d’un blanc immaculé, l’omniprésence de cette non-couleur évoquant explicitement le milieu médical et la mort.
Brandon Cronenberg décrit un monde intrinsèquement malade, uniformisé rongé par le cancer du capitalisme sauvage et produisant en série des individus déprimés. Dans cette optique, le choix d’un acteur de talent comme le britannique Malcom Mc Dowell, connu pour son premier rôle dans Orange mécanique, pour jouer le rôle d’un médecin apparaît pleinement justifié. Cet univers évoque aussi celui  de J.G Ballard, lequel n’est pas étranger au cinéma de Cronenberg senior puisqu’il est l’auteur du roman Crash, adapté à l’écran par ce dernier en 1996. Il faut désormais espérer que Brandon Cronenberg saura par la suite aborder d’autres thèmes et ainsi « tuer le père » pour voler de ses propres ailes.



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est né en 1975. Documentaliste dans le secteur de l'audiovisuel, ses centres d'intérêt vont de la littérature aux religions, en passant par la politique. Il s'apprête à publier une biographie spécialisée dans le rock pour les éditions Camion Blanc.

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