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Pour Laurence, 20 ans, l’enfer c’est les siens

Tombeau pour une bobo innocente


Pour Laurence, 20 ans, l’enfer c’est les siens
Image d'illustration. SIPA. Shutterstock40508853_000016

Laurence a 20 ans. Elle voyage, ne lit pas vraiment, mais voyage. Vous voyez, elle aime dire qu’elle fait dans « l’humanitaire ». Portrait d’une femme de notre temps.


Il est de bon ton de condamner le racisme, l’exclusion sociale et la xénophobie. Ce n’est pas une grande nouvelle. Le refrain est tellement connu qu’il nous reste en tête. L’Occident serait toujours le représentant par excellence du rejet de l’Autre. Hypocrites, les sociétés occidentales couvriraient dorénavant leur haine de la différence sous les étendards laïcards de la critique des religions.

L’Occident dissimulerait aussi sa haine séculaire des étrangers derrière des institutions aux relents colonialistes. On s’en souvient : il faudrait renverser la statue de Colbert devant l’Assemblée nationale. Il faudrait aussi renverser celle de Christophe Colomb à New-York. L’Occident serait systémiquement raciste. Au fond, c’est l’Occident qu’il faudrait déboulonner. Il faut en parler à Laurence qui termine une licence de droit à la Sorbonne.

Je m’présente, je m’appelle Laurence…

Laurence a 20 ans. Elle voyage, ne lit pas vraiment, mais voyage. Vous voyez, elle aime dire qu’elle fait dans « l’humanitaire ». Laurence a une conscience sociale car elle recycle les boîtes d’emballage de ses nombreux appareils électroniques. Laurence sait donc de quoi elle parle lorsqu’elle diabolise avec audace le capitalisme et toute la pollution qui en découle. Laurence soutient Anne Hidalgo dans sa lutte contre les voitures à Paris. Laurence est progressiste, ça ne fait aucun doute.

Laurence aime les autres cultures, car c’est une citoyenne du monde. Oh oui, une vraie. Son compte Facebook est parsemé de photos colorées la montrant en Inde, en Afrique, à dos de chameau dans le désert. Laurence a voyagé en Thaïlande avant de mettre le pied à Rome. On la voit en bikini sur un éléphant. On la voit aussi avec des enfants noirs au Mali. Laurence déteste toutes les droites, de Laurent Wauquiez à Donald Trump. Elle est convaincue que la France doit accueillir plus de migrants.

Les autres, c’est d’enfer

Pourquoi voyager davantage en Europe, ce vieux musée poussiéreux, pense-t-elle ? Pourquoi explorer sa propre civilisation quand il y a tant à voir dans le reste du monde ? Pourquoi faire des hôtels insipides, uniformes et confortables, quand on peut expérimenter la vie authentique, quand on peut dormir dans des tentes, ou à la belle étoile, et renouer avec la nature ? Avec cette antique condition humaine ? Pourquoi rester en sécurité quand on peut vivre une vie excitante ?

Laurence adore la nourriture asiatique et mange peu de viande car, dit-elle, la nourriture occidentale est trop grasse et surtout pleine d’OGM, trop transformée et artificielle. Le vendredi soir, elle mange dans un restaurant végétarien en refaisant le monde avec ses copines. Mademoiselle m’expliquait dernièrement que la transformation de la nourriture pouvait nous rendre malades et que l’industrie alimentaire ne respectait pas les animaux. Quelle tristesse ! Laurence condamne vigoureusement l’artificialisation du monde, un pur produit de la civilisation occidentale. Jamais elle ne mangerait de foie gras !

L’enfer, c’est les miens

Laurence utilise des produits de beauté naturels pour faire briller ses grands yeux verts. Elle les achète dans des boutiques spécialisées où plane une forte odeur d’encens. Laurence écoute de la musique aussi. Mais pas n’importe laquelle. Une musique rythmée, remplie de tambours, qui lui donne envie de s’échapper de son petit quotidien européen. Cette routine qui la force à poursuivre des études pour trouver ensuite un travail ennuyant. Laurence rêve des parfums exotiques du tiers-monde en faisant son jogging au jardin du Luxembourg.

Laurence fait du yoga, croit en la réincarnation, à la transmigration des âmes, à des choses très sérieuses. Elle déteste les églises, qui lui font penser à l’Inquisition, dit-elle, mais elle adore les temples bouddhistes. Elle s’est déjà procuré un livre sur le bouddhisme tibétain dans une librairie du 5ème. Un gros bouquin lourd qu’elle n’a jamais terminé. Laurence est en quête de sens, c’est pourquoi elle convoite les vestiges spirituels de l’Orient. Laurence cherche plus que jamais à s’enraciner. N’importe où, sauf chez elle. Sauf en France, dans le pays de ses ancêtres.

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Auteur et journaliste. Rédacteur en chef de Libre Média. Derniers livres parus: Un Québécois à Mexico (L'Harmattan, 2021) et La Face cachée du multiculturalisme (Éd. du Cerf, 2018).

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