Accueil Politique Manifs anti-Trump: un déni de démocratie

Manifs anti-Trump: un déni de démocratie


Manifs anti-Trump: un déni de démocratie
Manifestation anti-Trump le jour de son investiture à Saint-Paul aux Etats-Unis, janvier 2017. SIPA. AP22003491_000003
Manifestation anti-Trump le lendemain de son investiture à Saint-Paul aux Etats-Unis, janvier 2017. SIPA. AP22003491_000003

La démocratie est le terrain favori des donneurs de leçons, journalistes, hommes politiques, artistes et autres petites mains de la morale bien-pensante. En France, ils ont tous aboyé en chœur contre l’usage du 49-3, paraît-il si peu démocratique. Le démocratisme va chez nous si loin que le premier Ministre qui avait utilisé cette procédure tout-à-fait gaullienne, fait de sa suppression un des arguments-clefs de sa campagne. Faut-il que le sac-à-malices socialiste soit vide pour que lundi Manuel Valls utilise le 49-3 et mardi il propose de le supprimer ? La verticale du pouvoir n’est plus en Europe occidentale qu’une horizontale et tout le monde, y compris Nicolas Sarkozy en son temps de présidence, s’est ingénié à l’aplatir encore, avec la « question prioritaire de constitutionnalité ». L’exécutif en France est systématiquement réduit à la portion congrue, l’équilibre des pouvoirs vacille et Montesquieu doit bouillonner de rage dans sa tombe du Panthéon. Pas étonnant que de bons esprits admirent la verticalité érectile du pouvoir au Kremlin et, désormais, à la Maison-Blanche.

La presse est unanime

C’est pourquoi je m’étonne : dans toute la presse française que j’ai pu lire, je n’ai vu aucune critique en règle de ces manifestations si peu démocratiques contre l’élection de Donald Trump qui se sont déroulées aux Etats-Unis mais aussi ailleurs dans le monde. Il faut dire que je me trouve actuellement dans un paradis socialiste tropical où l’accès à internet est rigoureusement réduit, pour le plus grand bien du peuple évidemment. Pas un seul journal étranger en vente dans cette capitale, il faut se contenter des quelques feuilles du Granma hebdomadaire, maigre nourriture. Ces manifestations anti-Trump sont une nouveauté absolument scandaleuse dans nos démocraties rongées par le démocratisme. Le peuple de gauche a-t-il manifesté contre l’élection de Valéry Giscard d’Estaing ? Le peuple de droite contre l’élection de François Mitterrand ? Pas que je me souvienne.


Manifestation anti-Trump à Washington et à New… par euronews-fr

Il y a à mes yeux une énorme différence, qui devrait être inscrite dans la Constitution et dans le droit pénal, entre manifester contre une décision du gouvernement (le mariage pour tous, pour prendre un exemple de droite) ou un projet de loi (la montagne El Khomri qui a accouché d’une souris) d’un côté et de l’autre manifester contre le vote… des autres citoyens.

En 2007, quand j’ai voté pour Nicolas Sarkozy , certains Français se sont arrogé le droit de critiquer mon vote et de le contester violemment, surtout en banlieue. Au soir du deuxième tour, on a manifesté contre moi, Alain Nueil, contre le droit que j’ai de choisir démocratiquement mon président de la République ! Je croyais avec Rousseau que la majorité pouvait se permettre d’opprimer la minorité, et que la majorité des électeurs ayant choisi Sarkozy, la messe était dite. Après l’élection de François Hollande, je n’ai pas envisagé une seconde d’aller clamer ma haine contre ses électeurs et d’aller crier que leurs suffrages ne valaient rien. De quel droit l’aurais-je fait, Bon Dieu ?

Les Californiens bien bronzés contre les pâlots du Wisconsin

Je suis extrêmement choqué que les Californiens bien bronzés, bien vêtus, bien nourris par les hamburgers des bonnes petites marques que les Européens ne connaissent pas, s’arrogent le droit de contester le vote des pauvres natifs du Wisconsin ou du Minnesota, rendus pâles par le long hiver, de vieilles doudounes informes et des hamburgers indigestes. Que dire encore des Européens qui se mêlent de critiquer le choix de la Rust Belt et des chômeurs de Détroit ? Ils sont doublement à côté de la plaque. Le fait que Hillary Clinton ait obtenu presque deux millions de voix de plus que Donald Trump ne change rien à l’affaire. Le système des grands électeurs a été conçu par de brillants esprits des Lumières pour éviter l’irruption d’un démagogue qui voudrait se faire dictateur. Jusqu’à présent, ce système a fonctionné et aucun président américain ne s’est mué en tyran. Le fameux vote allemand de 1933 en faveur d’Hitler aurait peut-être été empêché par ce genre de garde-fous.

Les Anglo-Saxons ont l’excellente habitude de conserver ce qui fonctionne bien, la très constitutionnelle monarchie britannique aussi bien que le système des grands électeurs américains, qui n’est baroque qu’à des yeux français. Nous autres avons la sale manie de conserver ce qui ne marche pas : le socialisme, la méthode de lecture globale, les cantiques insipides de l’Eglise catholique « relookée » dont les curés ne se sont toujours pas rendu compte, les pauvres, que personne ne les chante. La joie de chanter en église célébrée par Saint Augustin dans la Cité de Dieu ? Connais pas.

Quel que soit le président de la République élu en 2017, il faudra une prise de conscience générale de ce problème. A une époque où l’on parle sans arrêt de respect, il faut apprendre à respecter le vote des autres citoyens, « surtout si l’on n’est pas d’accord », comme le dit la fière devise de Causeur. Ce n’est pas la rue qui fait la loi, ce sont les urnes. En tant qu’habitant du Dordogneshire, j’ai été attristé par le Brexit qui complique la vie de nos amis anglo-périgourdins, comme il complique la vie de tous les jeunes Français qui fuient à Londres le chômage socialiste. Mais il ne me serait jamais venu à l’idée d’organiser une manif anti-Brexit à Eymet, dont le quart de la population est britannique, ou pendant le week-end anglais qui se déroule chaque été à Brantôme et fait couler des flots de bière et d’entente cordiale. Et s’il faut en passer par Marine Le Pen pour nous éviter la charia, autant préparer le terrain, et répéter d’ores et déjà à tout le monde que le vote démocratique, ça se respecte impérieusement.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent La méritocratie contre le mérite
Article suivant Hamon, dernier acte des désertions de la gauche
est romancier et professeur de lettres agrégé.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération