Ingrid Riocreux était l’une de nos envoyées spéciales à la manifestation contre la PMA. Notre chroniqueuse analyse la couverture médiatique de l’événement et regrette que les hommes soient si discrets dans le cortège, alors que l’évolution anthropologique en marche attaque leur virilité.
Comme souvent, Libé voit juste. Déjà, à l’époque des Manif pour tous contre la loi Taubira, j’avais été saisie par la finesse des analyses de ce quotidien de gauche. Les photos étaient belles : aucune volonté de salir le mouvement. Les précautions qu’il fallait sur les chiffres : ceux des organisateurs, évidemment gonflés et ceux de la préfecture, ridiculement bas. Ce constat : peu importe le chiffre exact, il faut reconnaître qu’ils sont nombreux. Et un scepticisme sur l’efficacité de la stratégie adoptée… J’avais regretté que, dans les rangs des opposants à cette loi, dont j’étais, dont je suis encore, personne ne lise Libé.
Aujourd’hui, la presse de droite et les médias cathos conspuent le trucage des chiffres et saluent une affluence record, mais ne paraissent pas s’intéresser à l’état d’esprit des manifestants, qui n’est plus si enthousiaste qu’en 2013, en dépit des apparences…
Les chaînes de télévision (BFMTV, FranceInfo, etc.), quant à elles, ont pris un malin plaisir à diffuser des images filmées depuis le centre commercial situé devant la gare Montparnasse: lieu qui n’avait aucun intérêt puisque c’était l’endroit où se dispersaient les groupes pour rejoindre les cars (d’autres avaient d’ailleurs bifurqué avant, pour prendre des raccourcis). On voyait donc une foule fatiguée et clairsemée. Bravo.
Comptage des manifestants
Et l’organisme de comptage privé du cabinet Occurrence a eu l’excellente idée d’effectuer le comptage près du lieu d’arrivée du cortège et non de son point de départ. Comme la manifestation avait démarré avec près de deux heures de retard, beaucoup de gens sont rentrés chez eux largement avant l’arrivée, pour d’évidentes raisons d’organisation familiale et surtout parce que, je le confirme, il était très angoissant d’attendre debout aussi longtemps, avec des petits, au milieu d’une foule aussi dense. De nombreuses familles avec bébés ont pris peur et se sont placées ensuite à l’écart du cortège, quand elles n’ont pas renoncé à le suivre. Les cathos ne sont pas des cégétistes : ils ne savent pas défiler en laissant un mètre entre chaque manifestant. Pire, ils imaginent que c’est le nombre de personnes présentes au début d’une manif qui compte, alors que le comptage se fait à la fin, en un point unique. De nombreuses personnes âgées ont fait des malaises et d’autres, par prudence, ont abandonné la manifestation bien avant la fin. Il faut être clair : bien des gens ont fait le déplacement pour rien, puisqu’ils n’ont pas été comptés. Or, cette manif repose exclusivement sur le comptage. Il est vrai que celui-ci n’a plus aucun intérêt, puisqu’on nous donne à présent 3 chiffres totalement différents (organisateurs, 600 000; préfecture, 42 000; médias, 74 500).
L’Express s’interroge perfidement sur le chiffre officiel communiqué par les organisateurs comme si c’était la vraie question.
Personne ne croit ce chiffre, personne ne croit les autres chiffres non plus. Le fait est que: la sonorisation était totalement insuffisante compte-tenu du nombre de participants et il a été nécessaire d’ouvrir un itinéraire alternatif pour écouler le flux de manifestants, ce que fort peu de médias indiquent.
Le Parisien prend parti
Certains grands médias avaient déjà pris clairement parti contre la manifestation en relayant complaisamment la colère de ses détracteurs. Voyez cet article et imaginez, juste pour rire, la situation inverse : des cathos s’insurgeant contre la réservation d’un train pour la gay pride, par exemple (« Gay Pride: la SNCF pouvait-elle refuser à des militants d’affréter un TGV? »).
« Pouvait-elle refuser » exprime implicitement que cela aurait été souhaitable, même si c’est impossible. Le parti pris est net. Cet article aurait pu s’intituler : « Manif anti-PMA: le lobby LGBT fait pression sur la SNCF ».
Revenons à la bonne presse: dans l’article qu’il consacre à la manif anti-PMA du 6 octobre, Libé a mis le doigt sur trois points essentiels:
Le nombre
Libé titre « La messe est dite » et conclut « C’est moins qu’il y a 6 ans. Mais c’est déjà beaucoup… ». En effet, contester les 600 000 est facile, mais il serait malhonnête de prétendre, comme le fait le Canard enchaîné, que cette manif a fait un « gros bide » (même si, parlant de PMA/GPA, le jeu de mots est évidemment bien trouvé!)
Les signes religieux
Libé a vu les soutanes, Quotidien a vu les chapelets. Je confirme. Pour ma part, j’ai aussi entendu des chants de pèlerinage et vu des bannières qui eussent été prohibées par les organisateurs lors des Manifs pour tous. Le caractère catho de la majorité des manifestants est de plus en plus assumé: tant mieux, il faut sortir de l’hypocrisie.
Perte d’enthousiasme et irruption de la violence
Libé a raison : « la foule reprend à peine » les chansons diffusées dans les haut-parleurs, alors que les précédentes Manif pour tous avaient des airs de boum géante.
La violence se limite, dans l’article de Libé, à la citation d’une manifestante qui trouve « dégueulasse » qu’on envisage de rembourser des PMA pratiquées pour des raisons non médicales. L’agressouillette dont l’équipe de Quotidien a fait l’objet (images commentées par Salhia Brakhlia: vous la reconnaissez?) peut paraître symptomatique d’un changement d’attitude mais elle a été commise par des professionnels de l’action coup-de-poing (moi, je ne cautionne pas, parce que si je voyais Salhia, je lui ferais un gros bisou). Non, ce qui m’a frappée, c’est …
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