Endémique de quelques grottes de Slovénie, Anophthalmus hitleri, espèce rare, fait l’objet de braconnage à cause de son épithète donnée en hommage au dictateur nazi Adolf Hitler en 1937… Certains réclament qu’on change son nom.
C’est une bestiole qui n’a jamais eu la cote. Pendant le génocide rwandais, les Hutus, à la radio, qualifiaient les Tutsis de cafards. Si, en plus, une de ces espèces doit porter le nom du plus terrible dictateur allemand du XXème siècle (devant Erich Honecker…) le malheureux insecte ne risque pas de trouver grâce de sitôt dans les bestiaires.
L’affaire n’est pas tout à fait nouvelle puisque le cafard découvert dans des grottes de Slovénie par un collectionneur de coléoptères autrichien, Oskar Scheibe, s’appelle Anophthalmus hitleri depuis 1937. Le cafard est long de cinq millimètres, brun et sans yeux, ce qui ne le fait ressembler qu’en partie à son célèbre homonyme. Entre deux observations de lucioles au microscope, Oskar Scheibe admire la réussite de son compatriote qui est devenu chancelier allemand en 1933.
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Dans la communauté scientifique, le petit nom de la bébête pose à certains des problèmes éthiques. La Commission internationale de nomenclature zoologique (ICZN) a pourtant fait savoir qu’il n’était pas question de renommer le cafard slovène. Dans un monde qui ne rêve que de déboulonner les statues de Colbert et de Christophe Colomb, les observateurs de charançons sont attachés à une certaine stabilité des dénominations. Changer les noms au gré des modes idéologiques, c’est ouvrir la boîte de Pandore – ou plutôt la boîte à papillons – à toutes les dérives, au risque que les spécialistes n’y retrouvent plus leurs petits. « Il ne nous appartient pas de juger si des noms sont offensants ou éthiquement inacceptables, car c’est une question très subjective et personnelle », a déclaré Daniel Whitmore, plus calé en mouches à chair qu’en politiquement correct. Le suivant sur la liste serait alors le papillon Hypopta mussolinii, découvert en Libye pendant la période coloniale italienne. Le cafard slovène et le papillon libyen pourraient presque rejouer la rencontre des deux dictateurs dans le film de Chaplin…
Et si le coup de projecteur sur ce cafard était son plus grand malheur ? La bestiole, qui ne vit que dans quelques cavernes de Slovénie, est devenu un objet de collection, très prisé des braconniers, des collectionneurs mais aussi des milieux néo-nazis ; son prix s’est envolé, atteignant parfois 1000 euros. La Slovénie (qui avait déjà donné Gaspard Proust, Melania Trump et le groupe Laibach) tente bien de le protéger de son regrettable succès. D’autres bêtes sont devenues malgré elles des messages politiques codés. En 2017, Mediapart avait repéré un goût pour les dauphins sur les réseaux sociaux d’anciens membres du GUD, syndicat étudiant d’extrême droite. Dauphin, donc dolphin, donc Adolf…