Le témoignage de l’historienne du CNRS Annette Wieviorka, revenue du maoïsme, est bien tardif
Il est hallucinant de lire dans le supplément littéraire du Monde un entretien avec Annette Wieviorka sur ses Années chinoises (c’est le titre de son livre paru chez Stock) qui en pleine Révolution culturelle a enseigné le français à l’Université de Canton, grisée qu’elle était par le maoïsme… comme beaucoup d’autres intellectuels français, voire par Le Monde que sa famille lisait et dont elle n’hésite pas à dire que le correspondant à Pékin était un militant convaincu d’un régime qui n’avait rien à envier au stalinisme.
« Je ne suis plus la jeune femme que j’étais »
Ce qui est troublant, c’est que même il y a un demi-siècle, il ne fallait pas être une autorité en matière de régimes totalitaires – ce qu’est Madame Wieviorka – pour saisir à quel point le communisme avait gangrené la Chine. Peut-être aurait-elle pu lire Les Habits neufs du président Mao de Simon Leys. Non, elle était aveugle et vivait sur l’image d’une Chine qui n’existait pas, comme beaucoup d’intellectuels défendent de nos jours un Islam qui n’existe pas.
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Elle reconnaît qu’aujourd’hui la surveillance est moins stricte en Chine. Pour avoir vécu pendant une dizaine d’années avec une jeune harbinoise – à ceux qui l’ignoreraient, je précise qu’Harbin est la capitale de la Mandchourie – je sais que la propagande communiste dès l’école primaire n’est pas moindre qu’à l’époque où Madame Wieviorka se pâmait devant la fabrique de l’Homme nouveau qui s’édifiait sous ses yeux émerveillés. Elle n’était pas la seule loin de là et comme elle le dit : « Je ne suis plus la jeune femme que j’étais. » On en vient quand même à se demander comment un pays, la France, aussi fier de son intelligentsia a pu tomber dans le panneau et continue à honorer des écrivains et des philosophes qui encensèrent un des pires régimes du siècle passé. Je ne doute pas de la sincérité de Madame Wieviorka, mais je trouve son témoignage bien tardif. Et j’ai bien peur – mais je me trompe sans doute – que les nobles causes continuent à enténébrer son esprit critique.
L’histoire se répète
Il m’est arrivé pendant qu’elle enseignait confortablement à l’université de Canton de me faire tabasser par des maoïstes pour avoir comparé dans un article Hitler et Mao. Voilà qui ne risque pas d’arriver à Madame Wieviorka, car même dans son entretien au Monde, un demi-siècle plus tard, elle demeure très prudente. Après tout, ce n’était qu’une jeune sotte égarée par une propagande savamment distillée dans l’université française. Irions-nous jusqu’à dire que l’histoire se reproduit ? Ce qui arrive aux enseignants qui s’insurgent courageusement contre l’esprit du temps, m’inciterait à le penser…
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