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Année du lapin, chagrin


Année du lapin, chagrin

Selon l’Asia Times, le prix du mètre carré à Pékin atteint désormais les 26 000 yuans – soit 3 036 euros, à peu près autant que dans une ville comme Lyon – alors que le revenu mensuel du Pékinois moyen ne dépasse pas 2 000 yuans (233.5 euros). La croissance des prix de l’immobilier dans les zones urbaines de l’Empire du milieu a été telle qu’une étude de l’Académie Chinoise des Sciences Sociales (CASS) conclut que, dans ces conditions, 85% des ménages urbains ne peuvent plus espérer devenir propriétaires de leur logement.

Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle n’est pas liée à une pénurie de logements – la Chine construit des logements et des bureaux à un rythme effréné depuis plusieurs années à tel point que l’industrie de la construction pèse environ un quart du PIB (comme en Irlande en 2008) et que la valeur du stock immobilier est évalué à 350 fois le PIB (comme au Japon en 1989). En revanche, un nombre impressionnant de ces logements ne sont pas habités : Yi Xianrong, un économiste de la CASS, estime – en se basant sur les relevés des compteurs d’électricité – que 64.5 millions de logements dans les zones urbaines sont inoccupés. Ce sont donc des centaines de milliers d’immeubles, et parfois des villes entières, qui ont été construits à des fins purement spéculatives, grâce à la faiblesse des taux d’intérêt due à la politique monétaire accommodante de la People’s Bank of China (PBoC), la Banque centrale, et du titanesque plan de relance mis en œuvre par Pékin pour tenter de compenser l’impact de la récession américaine.

Il y a une énorme bulle immobilière en Chine et les autorités chinoises l’ont parfaitement compris. La PBoC a augmenté le taux des réserves obligatoires pas moins de sept fois au cours des douze derniers mois et déjà fait monter deux fois les taux d’intérêt depuis le mois d’octobre dernier pour essayer de freiner la croissance des crédits bancaires. Si ces quelques éléments vous rappellent étrangement la situation des Etats-Unis ou de l’Irlande il y a trois ans, ce n’est pas un hasard : nous avons toutes les chances de connaître une crise des subprimes version chinoise (c’est-à-dire sans crédits subprimes, ni actifs toxiques mais avec juste l’essentiel : une Banque centrale et un gouvernement surdimensionné).

Le pyromane peut-il jouer les pompiers ?

Si vous avez bien suivi les épisodes précédents, vous avez certainement observé que quand une banque a prêté énormément d’argent fraîchement imprimé et que ses clients commencent à avoir du mal à rembourser, elle fait faillite ou menace de la faire. À cette même occasion, vous avez remarqué que quand une banque est au bord du dépôt de bilan, nos gouvernements – c’est-à-dire les contribuables, leurs enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants (etc…) – volent immédiatement au secours de ses créanciers (et, en premier lieu, les déposants) et veillent à ce que ces derniers récupèrent jusqu’au dernier centime prêté à l’institution défaillante. En d’autres termes, les Etats ont cette fâcheuse habitude de se porter garants des dettes des banques et l’expérience récente de la zone Euro tend à démontrer que les finances publiques ne sont pas toujours en mesure de le supporter.

La bonne nouvelle, c’est qu’officiellement, la Chine est extrêmement peu endettée – la dette de l’Etat central pèserait environ 17.5% du PIB. La mauvaise c’est que tout le monde sait que ce chiffre est faux et il est faux – notamment – parce qu’il ne tient pas compte de la gestion calamiteuse des gouvernements régionaux. Pour ceux qui en doutaient encore, Yin Zhongqing – le directeur adjoint du comité économique et financier du Congrès chinois – a avoué en début d’année que lesdits gouvernements locaux avaient emprunté quelques 10 000 milliards de yuans (à la louche, on est à un milliard de yuan près) pour pouvoir continuer à jouer au petit jeu de l’apprenti planificateur malgré le peu de ressources accordées par Pékin. Et là, d’un coup, la dette publique chinoise pourrait bien peser plus de 50% du PIB – certains analystes avancent même le chiffre de 80%. Pour mémoire, on notera que la dette publique irlandaise ne pesait qu’un quart du PIB jusqu’en 2007…

Là où le cas chinois risque d’être assez intéressant c’est que les quatre plus grandes banques du pays – les big four – sont des banques publiques, détenue en majorité par l’Etat via la Central Huijin Investment ou plus directement par le ministère des finances : Bank of China est ainsi publique à 68%, la Industrial and Commercial Bank of China à 71%, la China Construction Bank à 60% et la Agricultural Bank of China à 81%. La conséquence, c’est que là où les garanties des gouvernements étasunien, irlandais[1. Dans le cas de l’Irlande, la garantie est devenue explicite en septembre 2008] ou espagnol (pour ne citer qu’eux) étaient implicites, la garantie du gouvernement chinois sur les dettes des big four est tout ce qu’il y a de plus explicite. Et c’est là que le bât risque de blesser : un rapide calcul de coin de table sur la base de leurs rapports trimestriels au 30 septembre 2010 permet d’évaluer leur dette à quelques 41 626 milliards de yuans (environ 4 861 milliards d’euros) soit 104% du PIB chinois en 2010 (et il ne s’agit que des quatre plus grosses…). En étant très optimiste, on peu donc estimer l’engagement financier réel du gouvernement chinois en ce début d’année du lapin à 150% du PIB.



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