Comme en 2011, François-Xavier Ajavon nous livre sa rétrospective de l’année…
Armageddon. Les promesses de fin du monde ont toujours fait vendre beaucoup de papier : regardez la Bible ! Plus près de nous, il y a encore quelques années, des prédicateurs farfelus nous promettaient le péril écologique, la destruction de la terre nourricière par les activités humaines, la consomption terminale avec trou d’ozone, gaz carbonique, terre vue du ciel, Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand. Peu après, d’autres prophètes sont venus nous assurer que le monde vacillerait à cause de la crise économique, qu’il y aurait un effondrement généralisé des économies mondiales, des émeutes de la faim, des révolutions… Cette année, le fantasme de la fin du monde nous est venu d’une interprétation complètement bidonnée d’une « prophétie Maya » annonçant des cataclysmes pour le 21 décembre. Brrr… On a vu l’internationale des soucoupistes et des vieux new-age blanchis sous le harnais se rassembler comme des moutons au pied de l’occulte Pic de Bugarach, dans les Pyrénées, afin de se soustraire à l’Armageddon… De fait, l’Armageddon n’a pas eu lieu, mais Itélé a ouvert son journal du 21 décembre par un duplex en direct de Bugarach. Dramatique.
Bordels belges. On savait déjà que la Belgique produisait des dessinateurs de bandes dessinées, des chanteurs tristes, de la bière et des gaufres ; l’année 2012 nous révèle que c’est aussi un pays où prospèrent les maquereaux. Révélation de l’année : Dodo la saumure, plus de quarante ans de service de ses dames. Cité dans la glorieuse affaire du Carlton de Lille, impliquant Dominique Strauss-Kahn, Dodo déclarait il y a peu à nos confrères de La Voix du Nord : « Je voudrais participer à la Star Academy. Avec mon physique, je pense que j’ai toutes mes chances pour devenir un artiste. Je chanterai Du Gris, la célèbre chanson de Fréhel… » En Belgique, comme en France, tout se termine toujours par une chanson… (voir aussi Manneken Pis)
Crabe-tambour. Pierre Schoendoerffer passe l’arme à gauche. Cela devait bien arriver un jour, mais on ne l’attendait pas. Cinéaste, romancier, journaliste, un peu aventurier sur les bords, Schoen’ était avant tout un grand témoin du XXème siècle et de la chute de l’ “Empire” français. Aux Invalides, il a été salué par le ministre de la défense Gérard Longuet et le Premier Ministre François Fillon. Dans son long métrage métaphysique de 1977, Le Crabe-tambour, le personnage du commandant interprété par Jean Rochefort déclare : “Le choix de l’homme n’est pas entre ce qu’il croit le bien et le mal, mais entre un bien et un autre bien.” Une morale que devraient méditer les donneurs de leçons professionnels qui foisonnent à notre époque.
Émeute de chattes. L’Occident vivait dans la paix, les peuples des nations démocratiques les plus avancées vivaient dans l’harmonie, les abeilles butinaient gaiement dans la nature épanouie… quand soudain débarquèrent dans un grand fracas les « Pussy Riot » en terre Russe ! Emballement planétaire. Passion médiatique généralisée. Pétitions. Télévision. Pamoison. Le groupe « punk » qui se signale depuis 2011 par des « performances » contestataires (notamment anti-Poutine), croit bon à l’été 2012 de faire un « happening » musical dans une église orthodoxe. Trois jeunes-femmes, dans les déguisements qu’on leur connaît (collants et cagoules fluo), interrompent un office à la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou pour entonner une chanson comportant les paroles : « Sainte Marie mère de Dieu, deviens féministe » et « merde, merde, merde du Seigneur ». La séquence vidéo a naturellement eu un grand succès sur Youtube. S’en suivirent leur arrestation brutale, le bruit, la fureur, le soutien international aveugle (Yoko Ono !!!), et leur stupide et lourde condamnation. Bon, mes petites chattes, la prochaine fois on recommence dans une mosquée, on regarde ce qui se passe et on compte le nombre des soutiens ? (voir aussi Femen)
Endive. Viverols est un charmant petit village de 400 âmes du Puy-de-Dôme connu pour ses vestiges médiévaux, et la beauté des paysages du parc naturel régional Livradois-Forez. A Virevols – en terre catholique – on sait que le petit Jésus est une grosse légume… on l’a appris il y a quelques jours dans les pages de La Montagne, à l’occasion d’un charmant petit conte de Noël : « Les habitants de Viverols ont eu la surprise, le 24 décembre au matin, de découvrir que la grande crèche installée dans le village avait perdu un élément essentiel : son petit Jésus. Une endive avait curieusement pris la place du divin enfant. La présidente du comité des fêtes a griffonné un petit mot demandant au voleur de bien vouloir restituer ce sacré bébé. Et, hier matin, le poupon en plastique a fait sa réapparition dans la crèche ». Et c’est ainsi qu’un auvergnat est parvenu à transformer le Christ en endive, puis une endive en Christ. Qui dira que l’Auvergne n’est pas une terre de miracles ?
Femen. Nous savions déjà que les jeunes femmes russes étaient les plus belles du monde, après les Morbihannaises, et celles des Îles marquises, l’année 2012 nous a permis de découvrir qu’elles étaient aussi les féministes les plus crispantes de l’histoire. Le mouvement des “Femen” a débarqué dans l’hexagone, avec son cortège d’images accablantes… de femmes nues aux moues glacées sur les visages desquelles nul sourire ne vient jamais se dessiner, de militantes féministes qui semblent vouloir régler des comptes avec les mâles, et qui baladent leurs certitudes sous des couronnes de fleurs tristes et un peu fanées. La chercheuse Francine Barthe Deloizy, décrypte le phénomène en ces termes pour nos confrères de Marianne : « le phénomène est devenu tellement fréquent qu’on pourrait se dire que tout le monde veut son quart d’heure de nudité, mais ce serait ne rien comprendre au sujet. Le corps nu sert de discours, de support à la contestation » C’était donc ça. Pour le désir on repassera. (voir aussi Émeute de chattes)
Manneken-Pis. Dans deux mille ans, les historiens retiendront certainement de l’année 2012 la titanesque polémique qui a ébranlé la France après la décision de Gérard Depardieu de quitter le territoire pour s’installer en Belgique. L’acteur assure que ce départ n’est pas lié à la fiscalité française, mais qu’il est tombé sous le charme des paysages du Hainaut. On aimerait le croire. Le premier ministre Ayrault a cru bon de juger « minable » le héros des Valseuses et du Dernier métro. Le colossal Philippe Torreton, acteur de gauche et citoyen engagé (ah ah ah), s’est cru autorisé à insulter Depardieu dans un articulet ridicule publié par Libé. La riposte a été terrible, puisque c’est Catherine Deneuve en personne qui a pris la défense d’Obélix. Avant que Fabrice Luchini y mette son grain de sel. Puis c’est Nathalie Kosciusko-Morizet qui y est allée de son propre commentaire, évoquant au passage le départ de Christian Clavier pour l’Angleterre : « Je trouve ça tellement dommage. On avait Astérix et Obélix. Astérix est parti à Londres, Obélix part à Bruxelles… ». Évidemment, la presse n’a pas manqué de rappeler les problèmes de vessie du monstre sacré, son goût pour l’alcool et l’ignominie supposée de son choix libre. Une polémique qui devrait nous rappeler une vidéo culte : celle de Serge Gainsbourg brûlant un billet de 500 francs à la télévision peu après l’arrivée au pouvoir de la gauche dans les années 80. Un billet qu’il n’a brûlé qu’à 75% de sa surface… pour montrer au public ce qu’il lui restait sur un Pascal après le passage du Fisc. (voir aussi Bordels belges)
Tarnac. (Corrèze) Rien. Et impossible de trouver une épicerie ouverte après 17h30. Croyez-moi.
Virus cannibale. Cruellement, les cannibales ont mauvaise presse. Ce sont des exclus. Des parias. Personne ne plaint leur immense solitude. Aucune association citoyenne ne milite pour leur différence. L’année 2012 a été l’année des cannibales. Effet de la crise ? Effet de mode ? Le monde a découvert avec stupéfaction la vie sexuelle atypique du canadien Luka Rocco Magnotta, acteur porno de 29 ans, qui a cru bon de dépecer un chinois. En Floride, c’est un certain Rudy Eugene qui – sous l’effet de la drogue ou d’un envoûtement vaudou – a dévoré la joue d’un SDF prénommé Ronald. Comme le dit mon patron de bar limousin : “Si ces mecs-là étaient végétariens, on n’en parlerait même pas !”
À suivre…
*Photo : marcovdz.
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