Éric Ciotti demande au président Macron la légion d’honneur pour Henri, l’homme au sac à dos. Mais pourquoi le héros d’Annecy embarrasse-t-il tant à gauche ? L’analyse d’Ivan Rioufol.
Est-ce un signe supplémentaire d’une possible renaissance ? Les ricanements qui ont accompagné le geste héroïque d’Henri d’Anselme, 24 ans – qui a empêché vendredi à Annecy à un Syrien « chrétien » de s’acharner au couteau sur des bébés – sont vite apparus ridicules, y compris aux yeux des médias les plus conformistes. La chronique balourde de Daniel Schneidermann, publiée ce lundi dans Libération (« Henri d’Arc, un héros chez Bolloré »), vaut à son auteur des critiques qui auraient été improbables il y a encore peu. Scheidermann, revenant sur le témoignage de l’ancien chef scout d’Europe vendredi chez Pascal Praud sur CNews, se plait à tourner en dérision la dimension spirituelle revendiquée par ce pèlerin engagé pour neuf mois dans un tour de France des cathédrales. Le chroniqueur de Libé trouve notamment ridicule que le jeune homme puisse dire, répondant à l’explication de son geste : « Je n’ai pas réfléchi. J’ai peut-être été poussé. Je ne sais pas, mais je sais que je n’étais pas là par hasard (…) Dans ces moments on dit à la Sainte Vierge et à Dieu qu’on se laisse faire et que c’est eux qui vont décider ». Dans ce temps pénible de dérèglement des esprits – autrement plus grave dans ses conséquences immédiates que le dérèglement climatique – la sobriété et la modestie des propos inspirés d’Henri d’Anselme viennent au contraire redonner un peu d’espoir sur les sources d’un réveil des consciences au cœur d’une jeunesse française sensible à la fragilité de son héritage. Par un significatif retournement de situation, c’est le réflexe pavlovien du journaliste donneur de leçons – qui a omis de mentionner en circonstance aggravante que cet homme providentiel est également admirateur de l’écrivain royaliste Jean Raspail – qui devient ringard aux yeux de beaucoup.
A relire, Gabriel Robin: Les silences d’Abdelmassih H.
La bravoure n’appartient évidemment pas seulement à ce jeune catholique qui a cherché à chasser l’emprise démoniaque du prétendu chrétien demandeur d’asile en France (après l’avoir obtenu en Suède). Dans ce combat inégal contre le tueur au couteau, revient en mémoire les deniers mots du père Hamel, égorgé dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray par un jeune islamiste : « Va-t’en, Satan ! ». D’autres héros du quotidien se sont révélés dans le passé, à commencer par le colonel Arnaud Beltrame, qui a donné sa vie pour sauver un otage. Citons aussi Franck Terrier, qui avait pris en chasse sur son scooter le camion fonçant dans la foule à Nice, le 14 juillet 2016, Lassana Bathily, l’employé malien de l’Hypercacher de Vincennes, qui avait sauvé plusieurs personnes lors de la prise d’otages du 9 novembre 2015, Yoav Hattab, tué à cette occasion après avoir essayé de s’emparer d’une des armes du terroriste, Mamoudou Gassama, clandestin malien, qui avait sauvé un enfant accroché à un balcon, etc.
Reste que la survenue du « héros au sac au dos » s’accompagne d’un message qui parle à ceux qui se désespèrent de l’endormissement des esprits amnésiques. Que dit le messager ? « Levez la tête, arrêtez de subir le mal. Ce que nos ancêtres ont fait de grand, de beau et de bien, ce sont les cathédrales, symboles d’unité, d’espoir, d’espérance ».
Avec une économie de mots, Anselme, étudiant en philosophie, a dit l’essentiel.
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