Faut-il encore présenter Alain Paucard ? Président du Club des Ronchons, cet écrivain ennemi des vacances s’est assigné à résidence perpétuelle à Paris et a signé des hommages savoureux aux cocus et aux prostituées. Pour Causeur, il nous dit tout le mal que lui inspire l’urbanisme néo-parisien dont les « uritrottoirs » ne sont que les derniers avatars. Entretien.
Lucien Rabouille. Bonjour Alain Paucard. Je n’ose imaginer ce que le président du club des ronchons, défenseur du Paris éternel, a pensé en voyant les pissotières installées par la mairie de Paris…
Alain Paucard. Quand j’ai vu le premier cube rouge de la mairie de Paris, j’ai vraiment cru qu’il s’agissait d’art contemporain. En fait, il y a une obsession maniaque de Madame Delanoë qui consiste à systématiquement remplacer le beau par le laid. J’appelle Anne Hidalgo « Madame Delanoë » car elle est le clone du précédent maire. Il faut d’ailleurs reconnaître que ce dernier était plus malin qu’elle, ou dans le langage d’aujourd’hui, meilleur communicant. Elle n’a fait que reprendre son programme. Exemple : changer les règles d’urbanisme pour qu’on puisse édifier les immeubles post-bahaussiens à côté d’immeubles classiques.
Pour en revenir à l’essentiel, que vous inspire la présence d’urinoirs dans toutes les villes de France ?
À propos des urinoirs partout, un homme politique de la IIIe République a dit : « Depuis que je fais de la politique, je n’entre plus dans une pissotière. » J’ignore si dans les cubes rouges de la mairie de Paris, on ne dépose pas des morceaux de pains… On espère que cela ne redonnera pas vie à cette abominable pratique qui a heureusement disparu du domaine public mais qui se pratique encore chez soi.
Au lieu du troussage de domestiques, les pissotières remplacent donc les lieux de drague ?
Les lieux de drague sont partout. N’en déplaise aux féministes, n’importe quelle femme peut se faire séduire par un mot d’esprit ou une saillie d’humour. A ce propos, il y a une bonne nouvelle, on trouvait, au milieu du pont du Garigliano, la cabine téléphonique éclatée de Sophie Calle qui appelait n’importe qui, n’importe quand. Elle a disparu. Des riverains excédés l’ont-ils jeté dans la Seine ? L’a-t-on enlevée pour surabondance de tags ? Je n’en sais rien.
Voilà au moins une bonne raison de vous réjouir. Qu’a donc fait Anne Hidalgo pour autant vous offenser ?
Qu’elle mette des colonnes modernes contemporettes dans les quartiers qu’elle a détruits (la Friche, les Batignolles) pourquoi pas. Mais le Paris haussmannien a besoin de colonnes qui lui correspondent consubstantiellement ! Comme chez Delanoë, la perspective est sans objet et les tours demain édifiées gâcheront irrémédiablement les perspectives des Invalides, de l’Ecole militaire… Dans un régime totalitaire, on appelle ça de l’idéologie. Quelle sotte pusillanimité empêche encore Madame Delanoë de transformer les tours de Notre-Dame en rampes de lancements pour parapente ?
Grâce à elle, il y aura désormais à la place d’un des bâtiments de Samaritaine, qui ne faisait de mal à personne, une façade de verre. Que signifient fondamentalement les façades de verre et de métal ? Que tout décor, tout ornement est banni pour isoler les bâtiments. Ainsi, on cache ce qui se passe derrière ces façades, au contraire des immeubles haussmanniens qui laissaient voir un bourgeois peloter sa bonne. Le puritanisme mondialisé a succédé à la bonne vieille bourgeoisie des cocufiés.
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D’une façon générale, les gens chargés du patrimoine à la mairie sont incapables de comprendre le sens de la tradition d’une ville. J’ai vu récemment à la télévision Bruno Julliard expliquer qu’on ne pouvait accepter la grande roue de Monsieur Campion honnie par les associations culturelles parisiennes. Si monsieur Julliard n’aime pas la roue de Monsieur Campion, pourquoi ne dit-il rien de la Tour Montparnasse, de la fac des sciences de Jussieu, de tout ce qui a été construit par deux présidents sans goûts architecturaux : Pompidou et Mitterrand.
Avez-vous une lueur d’espoir esthétique en vue des municipales de 2020 ?
Quel maire de Paris aura le courage de proposer une fois élu de raser tout ce qui s’est construit de laid depuis les années 1960 ? Évidemment, le prochain maire ne parlera que de sujets sans intérêt : les transports, la taxe d’habitation, les crèches… Sujets qui n’intéressent pas ceux chez qui la flamme de la beauté continue de brûler.
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