Nul ne doute que la maire de Paris sera candidate à l’élection présidentielle de mai 2022. À 62 ans, Anne Hidalgo se sent prête. Est-ce encore un songe ou déjà un projet ?
Hidalgo, joli nom pour une reine de France. Pas très consensuel ? Je vous l’accorde. Un livreur banlieusard et misogyne qui fume des clopes et roule au diesel ne risque pas de l’emmener au bal. Grisée de sa prépondérance municipale et parée d’une fière auréole olympique, Anne Hidalgo s’avance désormais seule et sans escorte dans la lumière.
Cap sur l’élection présidentielle
Pour le moment, elle promet le sacre de Paris en 2024, elle contemple les biceps de Teddy Riner et le flot de rubans qui invinciblement l’environne ; elle visite la France ; elle sourit aux maires, elle les flatte, elle les écoute – elle qui d’ordinaire n’écoute personne et n’en fait qu’à sa tête.
Et si elle était l’élue ?
À gauche, certains le pensent faute d’y croire, d’autres le redoutent. Elle se contentait d’une carrière, elle se devine un destin. National, why not ? Hollande et Macron sont partis d’encore plus loin.
Présiden-teu, s’il vous plaît, de la République, est-ce encore un songe ou déjà un projet, juste une casaque avec du rose et du vert ou un programme ? En a-t-elle envie ? Mmh… oui. Plus que Xavier Bertrand ? Non, il ne faut pas exagérer. Plus qu’Éric Ciotti et Philippe Juvin ?
Peut-être.
Ceux-là sont un peu trop fous ou ne le sont pas du tout, il faut l’être juste assez pour convaincre les Français. En tous cas, elle est prête. Si ce n’est pas maintenant, ce sera bientôt. On en saura plus après le congrès du PS mi-septembre, à Villeurbanne. En attendant, Anne batifole devant le Rubicon et baisse les yeux comme pour dire : « Vous croyez ? Vous êtes sûr ? » Les ancêtres, Guy Mollet, Delanoë ou Mitterrand, seraient fiers d’elle.
Le seul souci, c’est qu’elle n’est pas la seule. C’est l’inconvénient en démocratie, l’offre est supérieure à la demande – la dictature offre plus de temps libre aux citoyens.
Mélenchon et Montebourg se sont déjà déclarés. D’autres, dans une éventuelle primaire à gauche, se sentiraient « légitimes à participer », comme Stéphane Le Foll. Ou encore, pauvres chats, Pierre Larrouturou, Fabien Roussel, Philippe Poutou, Anasse Kazib, déjà candidats.
Y aura-t-il donc une primaire pour départager ces tartempions ? Pas sûr. Une primaire, chacun le sait, c’est toujours risqué, féroce, fratricide : comment se distinguer sans traiter l’autre d’imbécile ? On s’entre-déchire à belles dents, en famille, puis l’on s’embrasse du bout des lèvres, personne n’est dupe.
D’ailleurs à quoi bon ?
Chacun sait que ce sont non pas les militants mais les sondages qui ont valeur d’oracle aujourd’hui. À la fin on se rallie de guerre lasse au candidat qui est donné favori. Le loup dévore l’agneau, le lion croque la souris, les grenouilles applaudissent, comme dans les fables.
Anne Hidalgo ne doute jamais d’être du bon côté – le sien – mais elle sait que ses pires adversaires sont dans son camp. Le principal obstacle de sa campagne, à gauche, c’est le club des Cinq : Éric Piolle, Yannick Jadot, Sandrine Rousseau, Jean-Marc Governatori, Delphine Batho, provisoirement unis, et qui se disent prêts à en découdre à la loyale. Mon œil ! Quel que soit le candidat choisi par les Verts, il chassera sur ses terres et ne lui fera pas de cadeaux. Et si c’était une femme… Sandrine par exemple, brrr !
Moins chimérique que ces pâles rivaux et solidement assis dans son fauteuil de président, Macron ne peut que se féliciter de cette offre plurielle qui traduit la belle santé de notre démocratie.
Ici, c’est Paris – on n’est pas à Kaboul !
Mais au fait Anne Hidalgo est-elle vraiment de gauche ? Michel Barnier l’affirme, Bruno Retailleau le craint, Ségolène Royal s’en afflige – c’est sa spécialité, Ségolène.
Anne Hidalgo, ce serait plutôt : les chantiers, les embouteillages, la dette ! Comme elle a toujours raison, elle irrite, elle agace, elle divise – sauf le front uni des bobos parisiens et des marchands de trottinettes urbaines.
Bref, elle peine à nous rassurer, nous qui en avons tant besoin, et cela, même si depuis longtemps le mot socialiste a fui son vocabulaire.
Trop clivant
Or, ce qui compte, c’est de rassembler. Si dans son camp les soutiens se multiplient (outre Olivier Faure et Carole Delga, les maires de Nantes, Nancy ou Montpellier, soit 200 élus), les sondages en sa faveur sont en berne – entre 5 et 5,5 % au 30 juin dernier, environ 7 % aujourd’hui.
Si Olivier Faure croit encore qu’elle peut sauver le PS – il est bien le seul – on se désespère dans son entourage de constater qu’Anne est moins en vue que Mélenchon et moins aimée que Mamie Nova.
Valérie Pécresse n’est peut-être pas plus crédible mais elle a la voix plus douce.
Pour une majorité de Français, Anne Hidalgo reste une inconnue. On sait qu’elle aime les piétons, le vélo, le quinoa. Est-elle extrémiste ou sentimentale ? On dit aussi qu’elle n’est pas si gentille. Au sein du Conseil de Paris, elle dicte ses ordres à ses collaborateurs comme à une bande de volailles à qui elle jetterait du pain. « Si c’était un animal, ce serait une abeille… ou une truite ! » dit l’un d’eux, qui préfère rester anonyme de peur des représailles.
N’est-ce pas un compliment ?
Car la maire de Paris frétille devant l’obstacle, se rit des écueils, se moque des statistiques, fraye avec les limites qu’elle se fait fort de rompre, de suborner, de séduire. Sous un chêne, elle se sent druide. Sur un pédalo, capitaine. Et au-dessus d’un volcan, fille du feu. Elle est capable de rougir pour prouver qu’elle est sincère – c’est son côté Gémeaux.
Avec cela, elle n’hésite pas à s’émouvoir sur Twitter : « Nous ne devons pas laisser l’Afghanistan, ses femmes et ses hommes épris de liberté, disparaître dans l’obscurité d’un régime fanatique. La communauté internationale, l’Europe, la France doivent être au rendez-vous. »
Ah ! Madame, c’est beau, c’est noble, c’est français.
On est soulagé.
Presque.