Fabrice Gaignault : On a failli ne pas s’en rendre compte. Nous étions parti quelques jours fin de la terre, face à la mer ; entouré de livres à lire, d’autres à écrire. Ça nous est tombé dessus en passant sur Causeur.fr. Alain Paucard, qui écrit bien et pense mal, ou l’inverse, a éreinté Vies et mort de Vince Taylor (Fayard), beau livre que Fabrice Gaignault a consacré au chanteur de « Brand New Cadillac ». On ne comprend pas trop ce que Paucard reproche à Gaignault, hormis l’absence d’une bibliographie et d’une discographie. Peut-être d’avoir rédigé l’ouvrage que lui, Alain, aurait aimé écrire ? Avec Vince Taylor, Gaignault ajoute un chapitre à ses mythologies, après Égéries sixties et Aspen Terminus – où il sondait le cœur et les reins de la charmante Claudine Longet, accusée d’avoir refroidi son mari. Gaignault n’est jamais aussi bon que dans ces textes mêlant récit, enquête en costume sur mesure et flânerie intime. Ultime touche d’élégance : Gaignault a lu les écrivains rares, donc précieux. La réédition de son Dictionnaire de littérature à l’usage des snobs (Le Mot et le Reste) nous enchante. On y croise grands cramés, héroïnes et dandys des lettres. Au milieu de notices sur Albert Cossery, Henry Jean-Marie Levet, Dorothy Parker, Guy Dupré, Sunsiaré de Larcône, Frédéric Berthet ou encore Jean-Jacques Schuhl, cette réponse d’Edna Ferber au dramaturge Noel Coward l’apostrophant « Edna, vous ressemblez presque à un homme » : « Vous aussi, Noel. »
Anne Berest: (En photo d’illustration) Nous nous étions promis de parler d’Anne Berest. Pas seulement parce qu’elle est née en 1979, année de naissance des plus jolies apparitions. On pense à une brune demoiselle que notre ami Cornelius surnomme « La grande fille », clin d’oeil à un roman de Félicien Marceau. Mais Anne Berest a tout pour nous plaire. Ses deux premiers romans – La fille de son père et Les patriarches – étaient des réussites. Elle avait également adapté, pour le théâtre et Edouard Baer, Pedigree de Patrick Modiano. Elle a surtout suivi, telle une flâneuse sentimentale, les pas de Françoise Sagan. Sagan 54, paru au printemps chez Stock, mêle la vie de Françoise au moment de la parution de Bonjour tristesse et les éclats d’âme d’Anne Berest partie à la recherche du « charmant petit monstre ». La tête ailleurs, nous allions oublier de saluer les qualités de son texte : liberté, légèreté et volupté. C’était avant de lire, la gorge serrée, une touchante nouvelle, titrée « Ma tante Zelda » qu’elle a offerte à Madame Figaro. Une phrase, au hasard : « Nous sommes entrées dans une chambre sous les toits, comme un nid aux couleurs de champagne et aux murs dorés. »Il est recommandé, en août, de glisser dans vos bagages Sagan 54 et, tel le plus chic des marque-pages, les feuilles volantes de « Ma tante Zelda ».
Laurent de Sutter: Depuis son premier livre, Pornostars – Fragments d’une métaphysique du X, on a plaisir à lire Laurent de Sutter. C’est un philosophe pop, belge et dandy ; « sachant écrire », aurait précisé le Général de Gaulle. Il peut évoquer avec la même délicatesse Deleuze, les films de Jean Eustache, son indifférence à la politique ou les plus belles scènes des hardeuses Zara White, Mélanie Coste ou Sasha Grey. Ce n’est pas rien. De Sutter a jadis été publié par notre ami Roland Jaccard, dont il a pris la suite, aux PUF, à la tête de la collection « Perspectives critiques ». Métaphysique de la putain est au catalogue de Léo Scheer, maison élégamment tenue par Angie David. De Sutter, on le voit, a l’art de choisir ses éditeurs. Il a l’art, surtout, de signer des textes de haute tenue. La première et la dernière variations, deux balades bukowskiennes, de sa déclaration d’amour aux prostituées, « les actrices de la vérité », sont d’une classe folle. Entre les deux – d’une évocation de Godard à Joyce en passant par les BD de Chester Brown ou Crepax – , on se régale tout autant. De Sutter s’intéresserait aujourd’hui à l’actrice et playmate, au destin tragique, Anna Nicole Smith. Il nous tarde de le lire sur le sujet.
Claudia Cardinale: L’été est la saison de la dolce vita, que nous pouvons également nommer Dolce Claudia, pour reprendre le titre de l’album édité par les éditions Contrejour, dirigées avec style par Isabelle et Claude Nori. Thomas Morales en a déjà parlé, ici, avec talent. Il nous tarde, d’ailleurs, de lire les Lectures vagabondes de Morales : son plaisir en littérature. Ce sera en octobre. En attendant, on admire Claudia Cardinale, alors inconnue, shootée sous tous ses angles beaux par un photographe tout aussi inconnu. Elle a le naturel au galop, à la caresse. Les photographies dormaient loin de nous. C’était un crime contre la grâce, qu’Isabelle et Claude Nori ont réparé. Pour achever de nous enchanter, le crooner balnéaire Frédéric Schiffter joint ses mots aux photos de Claudia, signant un poétique « Éloge de la starlette ». Sur la plage, on se perdra dans les pages de Dolce Claudia et on lira, de Schiffter, Petite philosophie du surf, que réédite Atlantica. En attendant de découvrir, en septembre, son Dictionnaire chic de philosophie, préfacé par Frédéric Beigbeder qui, lui, publiera un nouveau roman, Oona & Salinger (Grasset), dont nous reparlerons, ici ou ailleurs.
*Photo: GINIES/SIPA.00684237_000006
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