C’est une agression qui a suscité un vif émoi. Une jeune femme a été violemment agressée au tesson de bouteille, à Toulouse, par des adolescents qui l’ont laissée dans une mare de sang. Au cœur de l’été, Anissa est ainsi le symbole d’une violence qui se répand dans toute la jeunesse française – sans que les pouvoirs publics ne puissent endiguer le phénomène. Les suspects étaient connus de la police ou des services judiciaires. Mais, la victime refuse certaines interprétations politiques.
Rien ne laissait présager qu’Anissa et ses amis allaient faire l’objet d’une odieuse attaque par un groupe d’adolescents composé de deux garçons et deux filles, tous mineurs. Interpellés pour des cigarettes, ce qui s’est passé ensuite reste encore mal élucidé. Anissa est une jeune fille de 19 ans. Les photos de son visage tuméfié, qu’elle a décidé de mettre en ligne sur les réseaux sociaux (voir ci-dessous), attestent de la brutalité avec laquelle elle a été agressée alors qu’elle rentrait d’une soirée avec son petit ami Dorian et deux autres de leurs amis. La scène s’est déroulée sur la célèbre place du Capitole de Toulouse, vers trois heures du matin, dans la nuit de mardi 18 juillet à mercredi 19 juillet 2023. Regards de travers, incompréhensions de part et d’autre, les esprits se sont vite échauffés. Les protagonistes en sont rapidement venus aux mains, après que le groupe de mineurs a fini par reprocher le port « d’une tenue inappropriée » à Anissa.
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Émoi national
Des tessons de bouteille utilisés lors de cette agression ont fini par taillader profondément la jeune femme, laquelle a dû être emmenée en urgence dans un hôpital de la ville rose. Un nez cassé plus tard, il lui a fallu 50 points de suture pour soigner des plaies visibles sur les bras, les joues, le cou et le dos. Un acte barbare qui aurait pu être fatal à Anissa si la police, alertée par la vidéo-surveillance, n’était pas intervenue rapidement pour la sauver.
Des faits confirmés par l’avocate des victimes. « Ils se sont vu mourir dans une mare de sang. Il faut s’imaginer la sauvagerie. Anissa a été frappée à de multiples reprises et chaque coup a laissé d’importantes plaies. Elle a des douleurs constantes, sur tout le corps. Dorian a aussi été assailli et a vu sa copine se faire taillader sans pouvoir lui venir en aide », a déclaré Maître Hélène Pronost. Du côté des agresseurs, le procureur chargé de cette affaire, Samuel Vuelta-Simon, a précisé que certains étaient « suivis par les services judiciaires de la protection des mineurs en raison d’un parcours social difficile », tandis que les autres étaient carrément connus des services de police pour divers délits, allant du vol à la détention de stupéfiants. Les suspects peinent à expliquer leur geste, avançant pour toutes excuses qu’ils avaient bu de l’alcool avant l’altercation. Âgés entre 14 et 17 ans, ils ont été placés sous contrôle judiciaire et devraient comparaître devant le tribunal pour enfants, bien que les circonstances de cette altercation restent « confuses », a ajouté M. Vuelta-Simon.
Le caractère ethnique ou religieux écarté
Ils devraient en toute logique être inculpés pour violences en réunion, en état d’ivresse, avec arme sans ITT ou ayant entraîné une ITT et pour l’une d’elles supérieure à 9 jours. Le caractère xénophobe de cette agression n’a pas été retenu, d’autant qu’Anissa a dû se justifier sur les réseaux sociaux après que plusieurs internautes lui ont posé la question sur l’origine de ses agresseurs. « Malheureusement, (ce sont) encore une fois, des Maghrébins et pourtant j’en suis une aussi et ça me déchire le cœur de devoir dire que ce soit (sic) des gens de ma communauté qui m’ont fait ça » a écrit la jeune fille sur Twitter, depuis son lit d’hôpital, précisant qu’elle ne souhaite pas qu’ils soient stigmatisés pour autant. En écho à l’émoi national que l’intensité de cette agression a suscité, divers politiques ont unanimement dénoncé l’abomination de cette attaque sexiste. Une cagnotte a été mise en ligne afin d’aider Anissa sans qu’elle ne fasse réellement recette sur le net.
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L’agression d’Anissa est donc un énième exemple de ces excès, de plus en plus fréquents, qui émaillent les nuits chaudes des centres-villes de nos grandes capitales régionales. Le énième exemple de ce qui ressemble désormais au seul moyen d’expression d’une catégorie de jeunes qui ne craignent guère les foudres de la Justice française.
Les pouvoirs publics peinent à endiguer ce phénomène qui s’accentue d’année en année. Selon le ministère de l’Intérieur, qui a révélé des statistiques sur le sujet en mai 2023, « les jeunes de 10 à 24 ans sont particulièrement impliqués dans les affaires pénales traitées par les parquets : ils représentent 21% de la population de 10 ans ou plus, mais 36 % des auteurs présumés d’infraction ». À titre de comparaison, en 2014, cette catégorie ayant eu affaire à la justice ne représentait que 5,2 % de leur classe d’âge. Peut-être, faut-il y voir la faute à ces jeux vidéo évoqués par Emmanuel Macron pour justifier les violences perpétrées par des bandes de jeunes lors des récentes émeutes vécues par la France durant deux semaines ? Un président qui en appelle désormais à la responsabilité des parents concernés, afin de stopper ce problème récurrent qu’aucune marche blanche ne saurait régler. Preuve s’il en est encore de cette violence à laquelle les Français se sont malheureusement habitués, le 22 juillet, à La Haye-Malherbe (Eure), Enzo, 15 ans, a été poignardé pour « un mauvais regard » par un autre adolescent de la même génération. Il laisse derrière lui une famille éplorée et des habitants sous le choc. Contrairement à Anissa, lui n’aura pas eu une deuxième chance. Un ange parti trop tôt.