Christine Angot, Katerine, Yves Calvi, etc.


Christine Angot, Katerine, Yves Calvi, etc.

philippe katerine chanteur

LES ESCARGOTS MEURENT DEBOUT !

Si j’ai choisi comme titre ce superbe aphorisme de Francis Blanche, c’est pour t’aider, ami lecteur, à garder le moral face aux calamités qui se sont encore abattues sur le pays ce moi-ci : la « crise » toujours recommencée, le vain remaniement, l’élection d’Anne Hidalgo, le premier essai de Matthieu Pigasse et le dernier roman de Christine Angot.

ANGOTESQUE !

LUNDI 24 MARS / Dans le dernier Figaro littéraire, sous la plume d’Étienne de Montety, délectable recension du dernier Angot, La Petite Foule. « Est-ce le fruit d’une récente lecture de Lévinas, elle a visiblement découvert l’Autre. » De fait, délaissant pour une fois l’autofiction, l’écrivaine qui fait peur livre là une galerie de portraits d’humains, y compris quelques animaux.

« Les beaux esprits ont aussitôt cité La Bruyère, reprenant complaisamment l’exergue du livre, note le critique. La Petite foule nous ferait plutôt penser à un livre de Philippe Delerm. Qu’on en juge à cette phrase :  » Elle a appris à faire la cuisine très tard. Pendant longtemps, tout ce qu’elle a su faire, ç’a été ouvrir du jambon de Bayonne sous cellophane, un paquet de chips, une boîte, et mettre une jolie nappe ». »

Vacuité du fond, platitude de la forme – et douce ironie du commentaire ; la chronique de Montety nous change agréablement du déluge d’éloges tombé de partout ailleurs sur l’Angot nouveau : « Un petit bijou littéraire » ; « Un roman aussi singulier qu’universel » ; « Il est des murmures plus puissants que tous les cris »… Et puis quoi encore ?

Même Laurent Ruquier s’est improvisé critique littéraire pour joindre sa voix à cet invraisemblable concert de louanges, lorsqu’il a reçu l’autrice à « On n’est pas couché » : « J’ai lu votre livre assez vite pour préparer l’émission ; maintenant, je vais le relire pour le savourer ! »

Et l’animateur de s’en prendre, sans le nommer, à la « mauvaise foi » de Montety, accusé d’avoir « consacré tout son papier » au dernier mini-chapitre, « L’Oiseau ». Mauvaise foi toi-même, Laurent ! C’est seulement en conclusion qu’Étienne mentionne ce portrait, qui d’ailleurs vaut son pesant de guano.

Christine, perfectionniste comme elle est, y fait chanter dans sa langue natale ledit volatile, qu’elle a enregistré tout exprès. Notre critique, lui, se contente de commenter cet étonnant travail d’écriture sur un ton légèrement persifleur : « L’écrivain est là, tel qu’en elle-même. On cite :  » Votre préféré, vous l’entendez, le matin : Flouou, flou-ouhou, flou, flouhou. Il arrête. Un autre : hou-ou ; ouhou : ahhouhou ». A-t-on bien lu ?  » Ouhou : ahhouhou « . Le talent, intact. »[access capability= »lire_inedits »]

Quant à moi, j’ai bien ri mais, connaissant le naturel soupe-au-lait de la mère Angot, je souhaite à l’ami Étienne de ne pas la croiser dans les quinze ans à venir.

 

EN AVANT COMME AVANT ! 

MARDI 1er AVRIL (!) / Dans son éditorial, Le Monde dispense au chef de l’État deux conseils après la débâcle :

« Réagir, s’il ne veut pas donner au pays le sentiment qu’il est sourd à son message » ;

« Ne pas céder aux sirènes, ni changer de cap ou de calendrier ».

Avec ça, Hollande est paré, n’est-ce pas ? Même plus besoin d’Aquilino !

 

ANNE CHARGÉE DE RELIQUES 

SAMEDI 5 AVRIL / Discours d’investiture d’Anne Hidalgo à la Mairie de Paris (extrait) : « Pourquoi je suis de gauche. »

« J’assume tout de ce passé singulier et puissant : 1789, 1830 et 1848, mais également la Commune de 1871, l’espérance du Front populaire, l’ambition du programme du Conseil national de la Résistance et la grande respiration de Mai-68 ! »

Et depuis quarante-six ans, plus rien ? T’assumes pas le « Changer la vie » de 1981, ni le « changer d’avis » de 1983 ? Ni le socialo-communisme  électoral d’antan, ni le social-libéralisme à roulettes d’aujourd’hui ? Pas un mot pour Mitterrand ni Jospin, Hollande ni même Valls – sans parler de Jean Marcchero[1. Je ne suis plus très sûr de l’orthographe.]

Et entre-temps, t’as rien oublié, sœur Anne ? Quand on « assume tout » comme toi, on assume aussi les conséquences historiques, fût-ce à la lumière de la dialectique. Pas de 1789 sans 1793 ; de 1830 sans Louis-Philippe ; de 1848 sans Louis-Napoléon ; de Commune sans gauche versaillaise ; de Chambre du Front populaire sans Munich et les pleins pouvoirs à Pétain[2. . 286 voix de gauche pour, 73 contre.], ni de CNR sans de Gaulle, avant même André Le Troquer. Quant à la « grande respiration » de Mai-68, tu ne manques pas d’air ! Après dix ans d’opposition, elle aura quand même étouffé la gauche pour treize années de plus…

Avec ta méthode de tri sélectif, Madame ma Maire, moi j’assume volontiers toutes les conneries de la droite de Cro-Magnon à nos jours.  

 

VOL AU-DESSUS DU NID DE KATERINE 

 JEUDI 10 AVRIL / Si vous ne connaissez pas Philippe Katerine, je ne vous connais plus ! « Mais reprenons tout depuis le début », comme disait Ventura à Serrault dans Garde à vue. Philippe Blanchard, dit Katerine, est un Vendéen fêlé, né en 1968, qui fait l’artiste depuis vingt-cinq ans.

Son premier concert date de la première « Fête de la musique » jacklangienne à Chantonnay (sic). « Notre tube à l’époque, révèle-t-il au magasine musical « Alcaline » (F2) c’était  Le Chien. Et de fredonner à titre de preuve : Parmi tous les animaux qui pissent / Y a que le chien qui lève la cuisse… »

À l’époque, concernant sa vocation, les parents de Philippe manifestaient une sorte de bienveillance inquiète. Depuis, ça s’est arrangé… Sur la pochette de son antépénultième album, ils posent même avec lui, chez le photographe de Chantonnay ! C’est qu’entre temps le nouveau « fou chantant » a fait son trou jusqu’au sommet. Qui, à part Alain Finkielkraut et vous, ignore encore ses entraînants refrains : Je vous emmerde, Louxor j’adore, Marine Le Pen, La Banane ?

 Après des débuts dans la bossa nova en VF décalée – un créneau étroit –, il décide de jouer le jeu des médias, qui le lui rendent bien. Le voilà auteur et compositeur pour d’autres, acteur puis réalisateur d’un film autobiographique (Peau de cochon), peintre et même sculpteur, exposant ses œuvres aux Galeries Lafayette…

En 2011, avec le triple album 52 reprises dans l’espace, Philippe rend un hommage de sa façon à son Panthéon de la chanson française, de Bourvil à NTM en passant par les 2Be3 et les Stranglers.

Entre-temps, il a bossé avec tout ce qui bouge, d’Anna Karina à l’ami Burgalat en passant par Dombasle, Daho et même Brigitte Fontaine. En ce printemps 2014 son nouvel album, Magnum, revendique une triple référence culturelle : « Le champagne, les glaces et le flingue. »

Pour illustrer cet opus, Katerine réalise même à la demande de Canal + un long métrage qui, à l’en croire, l’aura beaucoup aidé : « En le faisant, j’ai compris quelques chansons du disque, et je peux vous dire que c’est pas toujours joli-joli. »

Reste à savoir s’il faut toujours le croire. La réponse, il la donne en répondant à une question « sérieuse » d’« Alcaline » :

« Votre plus grand regret dans la vie ? »

« N’avoir pas chanté la pub pour Belle des Champs ! »

Et il remet le son…

 

LA CRISE NE PASSERA PAS 

LUNDI 14 AVRIL / Depuis que j’ai appris à lire, et même à comprendre les Sapir, Todd et autres Piketty, je me pique moi-même d’économie, savez-vous ? À tel point que je m’autorise désormais à donner mon avis sur un peu tout, même dans ce domaine.

La « crise », par exemple ! Il y a belle lurette que je n’y crois plus… On raconte aux moins de 20 ans qu’elle daterait de l’explosion d’une bulle en 2008. À d’autres ! Moi, tel que vous me lisez, j’en ai toujours entendu parler depuis le premier « choc pétrolier », il y a tout juste quarante ans.

C’est dire si j’ai été heureux de trouver confirmation de ma thèse (!) dans La Crise sans fin, un bouquin tout ce qu’il y a de sérieux signé Myriam Revault d’Allonnes, philosophe et professeur des universités, entendue l’autre soir sur France Culture. Pour elle et moi, voyez-vous, la « crise » ça ne veut plus dire grand-chose. Non seulement elle ne désigne plus une turbulence économique passagère, mais elle s’étend désormais à tous les secteurs de la société, de l’éducation à la culture en passant par la famille et l’environnement.

Plus question donc de l’utiliser comme prétexte à l’impéritie de nos gouvernants ni aux insuffisances de nos penseurs ! Cette prétendue « crise » est devenue « un état permanent à transformer en dynamique d’action ».

Permanent ? Pour m’en tenir à l’économie – ma nouvelle spécialité – ça me rappelle une judicieuse couverture de Charlie Hebdo en 1975. On y voyait  un Chirac croqué par Cabu qui déclarait triomphalement : « Je vois le bout du tunnel ! », la tête dans le cul.

Le mieux, c’est que la phrase est authentique… et qu’on y est toujours ! À présent, c’est au tour du président Hollande d’annoncer le retour de la croissance pour pas plus tard que bientôt… Et en attendant, ça tourne ! Le capitalisme financier mondialisé se serait-il doté d’un moteur à explosion (de bulles) ?

La seule chose dont on soit sûr, c’est que rien n’est certain, vu qu’il n’y a pas de science économique. Seulement des « écoles » qui enseignent tout et son contraire, des grilles de lecture derrière lesquelles on s’enferme.

Pas étonnant, dans ces conditions, que les politiciens n’y entendent rien et que leurs prédictions en la matière relèvent de la méthode Coué. Pourquoi diable nos dirigeants, légitimement soucieux de le rester, annonceraient-ils au bon peuple de mauvaises nouvelles, alors même qu’on ne sait jamais ?

En fait de « bout du tunnel », en 1975 c’était plutôt l’entrée ; mais apparemment, pendant trente ans, les Français n’en n’ont pas tenu rigueur à Chirac. À l’inverse, si par chance, demain, la croissance revenait, Hollande pourrait toujours la revendiquer – même si sa politique semble en-deçà de tout soupçon. Quoi qu’il en soit, la « finance » le salue bien ! Cet « adversaire » désigné, auquel le candidat « socialiste » prétendait se colleter avec ses petits bras, n’aura pas tardé à le mater. 

Bien sûr, vous savez tout ça par cœur ; mais c’est si neuf pour moi… De grâce, laissez-moi m’ébrouer un peu ! Tel le prolétaire d’antan, disais-je, le capitalisme d’avenir n’a pas de patrie ; il ne connaît pas de frontières, surtout morales. Face à lui, pour défendre les peuples, rien ou si peu. Les princes qui font mine de nous gouverner sont soit des fumistes de l’espèce hydropathe, soit des naïfs à la douanier Rousseau – sauf qu’ils ne sont même plus douaniers. La « phynance » chère au père Ubu est désormais partout chez elle, et s’y trouve de mieux en mieux, au fur et à mesure qu’un peu partout l’économie prend le pas sur le politique, accroché juste aux lustres du pouvoir.

C’est particulièrement vrai sur notre (trop ?) Vieux  Continent, où nations et peuples sont sacrifiés sur l’autel d’une déesse Europe qui n’existe même pas. Ainsi achevons-nous dignement notre sortie de l’Histoire… Comme disait Francis Blanche, « les escargots meurent debout ! »

 

CALVI, ROI DU TOC-SHOW

SAMEDI 19 AVRIL / Le samedi, c’est récré ! Pas trace d’Yves Calvi à la télé. J’en profite pour dire dans son dos ma façon de penser sur son statut de pro des débats d’actu « sérieux ».

Tous les jours de semaine que Dieu fait, Calvi sévit sur France 5 à 17h45 et 22h30, pour ceux qui n’auraient pas tout compris la première fois. Ça s’appelle « C dans l’air » et là, je cite son dossier de presse, « Yves Calvi, en compagnie de ses invités, donne les clés pour comprendre l’actualité ».

Tu parles ! En vérité, « C dans l’air » n’atterrit jamais. Ça tourne en rond sur orbite géostationnaire, autour du carnet d’adresses de l’ami Yves : une cinquantaine d’expertologues, toutes disciplines confondues, qui alternent façon tourniquet, selon les sujets, pour échanger leurs certitudes complémentaires.

Une sorte de club anglais pour commentateurs autorisés. C’est tout juste si, en regardant, on n’a pas l’impression de déranger. Alors puisque décidément « C entre eux », pourquoi faut-il qu’en plus ce soit télévisé ?

Tous les lundis, Calvi anime sur France 2  « Mots croisés » qui, je cite encore, « nourrit le débat citoyen avec ceux qui font l’actualité ». Fichaise ! Le casting est si bien équilibré qu’on sait d’avance qui va dire quoi. D’un côté un FN et un UMP (ou UDI), de l’autre un PS et un Front de gauche (ou écolo). Tout ça pour finir sur un constat de désaccord général, non sans avoir réaffirmé que c’est l’Autre, tous les autres, qui « font le jeu du Front national » − pour le plus grand bonheur de son représentant du jour.

Et le père Calvi d’arbitrer gravement, avec ses mines sérieuses et ses lunettes de chien, ces débats interchangeables qui partent de rien pour aller nulle part.

LES PIGASSERIES DU MATTHIE

VENDREDI 25 AVRIL / Feuilleté sur les marches de la FNAC, à côté des autres lecteurs de mangas : Éloge de l’anormalité, de Matthieu Pigasse. Le banquier engagé y enfile des perles de toutes sortes, sous la haute autorité de Thucydide (!), là où l’on eût mieux vu M. Prudhomme et le sapeur Camember.

– Banalités usagées : « Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est l’existence même de notre système démocratique. »

Audaces de tout repos : « Face à une gauche qui n’incarne plus le progrès et à une droite qui ne l’a jamais incarné, [il faut] retrouver une voie progressiste. »

Loufoqueries dignes de Pierre Dac : « La croissance ne se décrète pas […] Elle se provoque ! »[/access]

Après réflexion, j’ai même pas volé le bouquin.

*Photo: BALTEL/SIPA. 00635665_000021 

Mai 2014 #13

Article extrait du Magazine Causeur



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