La voix du peuple est de retour. Dans « On n’est pas couché », samedi dernier, Christine Angot, incapable de contrôler sa haine à l’égard de la vice-présidente des Républicains Virginie Calmels, s’est une nouvelle fois ridiculisée.
Christine Angot prétend être une artiste, elle a même tendance à croire qu’elle incarne à elle seule la littérature. Le spectacle à la fois terrifiant et embarrassant qu’elle a offert samedi, face à Virginie Calmels, sur le plateau d’On n’est pas couché prouve que rien n’est plus faux. En effet, la principale qualité d’un écrivain, c’est d’être empathique, y compris avec le mal – faute de quoi il serait bien incapable de nous faire sentir ce que celui-ci a à voir avec nous. À la différence du philosophe, qui recherche le système susceptible de donner une cohérence au patchwork du réel, et du sociologue qui pourchasse le général derrière le particulier, le romancier explore les infinies combinaisons du singulier. Et même quand il pense le collectif, c’est toujours à travers l’épaisseur, l’ambiguïté, la complexité de destins particuliers. L’existence humaine n’entrant jamais complètement dans les cadres prédéfinis par l’idéologie, le romancier est par nature porté au doute, à la demi-teinte, au paradoxe. Il sait que l’animal humain est tissé de contradictions et de bizarreries qui le rendent irréductible à des déterminations économiques et sociales – ou à sa place dans le processus de production.
Chronique de la haine (de classe) ordinaire
Samedi soir, Christine Angot était l’antithèse d’une romancière : un bloc de haine et de certitude qui voyait en Virginie Calmels, exactement comme en Fillon, non pas une personne particulière, mais l’emblème de sa classe sociale. Elle était coupable non pas de ce qu’elle avait dit ou fait, mais de ce qu’elle est : une bourgeoise, une possédante – qui circonstance aggravante, couche avec d’autres possédants. L’allusion de la chroniqueuse aux compagnons passés (et bien sous tous rapports) de l’élue bordelaise a fait exploser la colère qu’Eric Dupond-Moretti contenait depuis un bon moment, et heureusement, car on se demandait quand l’un des invités qui assistait à ce déchaînement allait se révolter contre ce spectacle. Il y a des moments où le silence vaut complicité.
Dès l’intervention de Yann Moix, l’interview avait pris l’allure d’un de ces interrogatoires où les policiers, pour déstabiliser un suspect, le pressent de questions sans lui laisser le temps de répondre. Toutefois, après l’entrée en scène de son inébranlable comparse, tandis que le public, bon juge pour le coup, manifestait sa gêne et sa réprobation, Moix, conscient de l’effet désastreux de ce tir groupé, s’est adouci. C’est qu’avec dame Angot, on est passé de l’interrogatoire au réquisitoire, lequel comme dans les procès staliniens, a valeur de condamnation.
La précieuse ridicule
Dupond-Moretti ayant constaté, sur le mode euphémistique, qu’elle y était allée un peu fort, notre écriveuse a fait cet aveu glaçant : « Avec ces gens-là, il faut y aller fort… ». Ces gens-là… Les salauds de riches qu’il faut pendre à la lanterne médiatique sans autre forme de procès. Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. Difficile de ne pas penser aux khmers rouges ou aux gardes de la même couleur de la révolution culturelle chinoise. Même en version kitsch et cathodique, ça fiche vraiment la trouille (ça doit être la preuve que j’ai des trucs à me reprocher).
« Quand vous dites ces gens-là, on dirait que vous les détestez », a ingénument remarqué Calmels, dont il faut saluer le calme sous les balles ennemies. « Mais oui », a répliqué la torquemadette de Laurent Ruquier, sans que celui-ci trouve à redire à cette proclamation de haine à l’endroit d’une catégorie de citoyens à raison de leur appartenance sociale. C’est ainsi. À la télévision publique, on est limogé pour une blague jugée sexiste mais on peut dénoncer une catégorie de citoyens – et accessoirement de contribuables assujettis à la redevance – comme coupables par essence, sans que le maître de maison n’ait à opposer à cette nouvelle version de la Loi des suspects autre chose que sa mine hilare. « Je ne suis pas une journaliste, vous n’avez pas à m’interrompre », a-t-elle déclaré. Sans doute, même si son petit genre Vychinski (le procureur de Staline) fait irrésistiblement penser à Edwy Plenel dans ses diverses croisades. Mais la championne de l’égo-fiction évoque aussi les tricoteuses de la Terreur, on l’imagine facilement hurlant au pied de la guillotine tant elle semble jouir du spectacle d’elle-même exécutant les nouveaux ennemis du peuple.
Ces échanges entre Éric Dupond-Moretti et Christine Angot sont savoureux. Depuis le temps qu’il fallait la remettre à sa place. C’est désormais chose faite. #ONPC pic.twitter.com/VPigeoFWvL
— Antoine Lévèque (@Antoine_Lvq) 11 mars 2018
Heureusement, sans le vouloir, Christine Ragot nous a gratifiés d’un hilarant moment kundérien, qui m’a pour ma part tiré des larmes de rire. Observant, avec la mine du détective qui vient de trouver une preuve irréfutable, que Virginie Calmels citait dans son livre le vieux dicton « la parole est d’argent, mais le silence est d’or », elle a conclu triomphalement : « L’or, l’argent…c’est bien la preuve que vous êtes obsédée par les choses monétaires et financières ». Je n’invente rien. Angot a son scénario, avec lequel elle s’est évertuée jusqu’à l’absurde à faire coïncider les propos de l’ennemie de classe. Et comme elle est totalement dépourvue d’humour – un autre trait qui fait qu’elle ne peut pas être écrivain –, elle n’a aucune conscience d’être ridicule. C’est sans doute une force.
Angot, rends l’argent !
Tout cela n’a aucune importance, dira-t-on. Après tout, on sait bien que la télé, ce sont les jeux du cirque et que, plus il y a de sang, plus il y a d’audience. N’empêche, comme ne disent plus les jeunes, bonjour le niveau. Mais puisque Christine Angot adore parler d’elle et qu’elle considère visiblement le respect de la vie privée comme un oripeau bourgeois, on aimerait savoir combien elle est payée, avec l’argent du contribuable, pour insulter ses contradicteurs et parler au nom des sans-voix. C’est ce qui s’appelle brailler dans la soupe.
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