Au Royaume-Uni, après les larmes et fadaises de circonstance, des intellectuels ont vite accusé Charlie Hebdo d’avoir créé « un environnement toxique pour les musulmans », des médias ont censuré les caricatures et des étudiants ont proclamé : « Je ne suis pas Charlie. » En menant cette croisade morale contre l’islamophobie, l’intelligentsia a justifié le terrorisme.
Il y a dix ans, j’ai subi deux chocs consécutifs. Le premier fut le massacre des satiristes. Il semblait inconcevable que l’on puisse infliger une mort sanglante à des caricaturistes pour avoir commis le « péché » de lèse-Mahomet. La barbarie du viie siècle projetait son ombre sur l’Europe du xxie siècle. Au moment où j’ai appris la nouvelle, à Londres, je me suis rendu dans le premier café et j’ai sorti mon ordinateur portable. C’est une « attaque contre nous tous », ai-je écrit. Cette islamo-boucherie menace de « nous ramener à une époque d’avant les Lumières ». Les mots semblaient futiles ce jour-là, face à l’horreur, mais il fallait des mots.
Puis est venu le deuxième choc : la trahison des intellectuels. Les corps des victimes étaient à peine froids que les élites libérales ont cherché à justifier le crime. Dans le monde anglo-américain, le cri s’est levé : « Certes, c’est déplorable, mais Charlie n’aurait pas dû ridiculiser les musulmans ».
Bien sûr, il y a eu des expressions de sympathie performatives. Des platitudes ont été débitées, des couronnes de fleurs déposées. Le slogan « Je suis Charlie » a été répété du bout des lèvres. Mais l’intelligentsia n’a pas hésité longtemps avant de révéler son vrai avis :
