La sortie en DVD et Blu-ray (Pyramide Vidéo) des films d’Andreï Zviaguintsev permet de découvrir l’œuvre d’un réalisateur qui dénonce l’effondrement de son pays, la Russie. Avec un sens aigu de l’esthétique, il dépeint une société minée par la loi du plus fort. Il vit aujourd’hui en exil.
Une énorme pelleteuse hydraulique s’attaque à la démolition d’une maison, sur un promontoire au bord de la mer de Barents : c’est le dénouement de Léviathan (2014), chef-d’œuvre du cinéaste russe Andreï Zviaguintsev. Ce plan-séquence de génie n’est pas filmé de l’extérieur, mais de l’intérieur du bâtiment : les mâchoires d’acier de la bête mécanique dévorent l’édifice comme un alien fonçant à pleines dents sur sa proie. Vitrages, sols, parois implosent sous les coups de boutoir de la machine, jusqu’à l’anéantissement. Une allégorie ? Sans aucun doute. Mais de quoi ? Rétrospectivement, toute la filmographie de cet artiste exceptionnel mérite d’être relue au prisme de l’ébranlement de la « Maison Russie » dont la guerre en Ukraine figure le prodrome inquiétant. Son cinéma en palpe les tumeurs, en diagnostique les maux, en anticipe les dérives d’un œil quasi clinique.

Avec Sokourov et Serebrennikov (à Cannes cette année avec Zhena Chaikovskogo [La Femme de Tchaïkovski], puis à Avignon avec Le Moine noir de Tchekhov), Zviaguintsev est l’un des plus grands
