Hors de ma vue, perfides ananas! Suite à la publication par les services de l’État d’une affiche de prévention sur Twitter, des « insoumis » bien de chez nous volent au secours de la Martinique ostracisée. Récit.
Vendredi 22 mai, la préfecture de Martinique a publié sur les réseaux sociaux une affiche pour propager la distanciation sociale. On y voit deux adolescents. L’un est blanc, vêtu d’une chemise à carreaux de couleur rubis ouverte sur un t-shirt bleu Majorelle. L’autre semble métisse, on ne sait pas trop, dans un autre temps on aurait dit couleur chocolat au lait. Aujourd’hui, ce terme étant connoté comme raciste, d’aucuns lui préfèrent l’étrange terme « racisé ». La moitié du crâne rasé, il semble avoir été affublé d’un débris de perruque sur la tête. N’est-ce pas d’un goût douteux ? Laisser entendre que les adolescents martiniquais se coiffent ainsi avilit nos compatriotes des Antilles. Pourtant, ce n’est pas cela qui a fait germer l’ire de politiciens de gauche rivés sur leur smartphone, dénonçant toute publication internet qui leur soulève le cœur. Non, ce qui leur a fort déplu, c’est qu’en dessous de l’incontournable flèche blanche nous conseillant de garder un bon mètre entre nous, il y ait cinq gros ananas.
Le préfet s’adresse aux habitants de la Martinique et l’Etat édite cette affiche ? La macronie c’est cette honte aussi. pic.twitter.com/L1PELXAgnY
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) May 23, 2020
« Assainir le corps de l’État »
Armé de son fidèle compte Twitter, Jean-Luc Mélenchon s’est offusqué le premier: « Le préfet s’adresse aux habitants de la Martinique et l’État édite cette affiche ? Le macronisme, c’est cette honte aussi ». Évidemment, le camarade Eric Coquerel lui a emboîté le pas, fustigeant, lui aussi sur son compte Twitter, « le racisme et le colonialisme » du préfet de Martinique. En guise de surenchère, il a même appelé à la démission de ce dernier. Toujours de l’hexagone, du nord cette fois, c’est l’eurodéputée écologiste Karima Delli qui a écrit : « En 2020, encore des images insultantes et racistes ». De la Marne ensuite, la député Mathilde Panot a suggéré une solution plus radicale: « c’est tout le corps de l’État qu’il faut assainir de ces représentations nauséabondes ». Quand le parfum de l’épuration s’en mêle, c’est qu’on est vraiment prêt à tout pour se tailler une place dans l’arène.
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D’autres « insoumis » de région parisienne ont d’ailleurs mis leur grain de sel, j’ai oublié leurs noms et peu importe, ils rêvent sans doute eux aussi d’un bon rôle sur scène. Suite à ces admonestations 2.0, la Préfecture de Martinique s’est rendue. Le samedi 23 mai, elle supprimait l’odieuse affiche de son compte Twitter et écrivait: « Nous venons de retirer l’illustration publiée hier concernant la distanciation physique. Nous présentons nos excuses si elle a pu heurter certains d’entre vous. L’unique objectif était de montrer l’importance de la distanciation face à l’épidémie. Bien cdt. Service communication ». Clap de fin.
Nous venons de retirer l’illustration publiée hier concernant la distanciation physique. Nous présentons nos excuses si elle a pu heurter certains d’entre vous. L’unique objectif était de montrer l’importance de la distanciation face à l’épidémie. Bien cdt. Service communication.
— Préfet de la Martinique (@Prefet972) May 23, 2020
L’internationale numérique
On remarque trois choses dans cette polémique. La première, c’est qu’elle est intégralement dématérialisée, elle a eu lieu du début à la fin sur internet. Si la Préfécture avait gentiment collé ses affiches sur les murs de Fort-de-France, rien n’indique que Mélenchon et ses comparses de l’hexagone s’en seraient mêlés.
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La seconde, et qui rejoint un peu la première, c’est que cette « vague d’indignation », pour reprendre l’expression du quotidien France-Antilles, est venue de loin, de très loin même. Quand on se targue de dénoncer le néocolonialisme, fût-il d’une instance qui représente l’État français, en l’occurrence la Préfecture, on laisse aux « colonisés » l’honneur de réagir les premiers. Ils sont assez grands pour se défendre tous seuls, ils n’ont pas besoin d’être maternés par des activistes situés à 7000 kilomètres de chez eux. La troisième, c’est que ce qui aurait pu légitimement susciter l’indignation à mon sens, et que personne n’a relevé, c’est cette ridicule coupe de cheveux qui fait ressembler l’adolescent de gauche à un de ces nouveaux footeux biberonnés au mauvais goût de Cristiano Ronaldo.
Et les Auvergnats?
Mercredi 20 mai, l’office du tourisme d’Arcachon a illustré le saint mètre par une délicieuse douzaine d’huîtres. Quant à la ville de Saint-Étienne, la France périphérique, la vraie, elle a penché pour sa part pour vingt-cinq babets. Ça ne surprendra personne, mais nos « insoumis » se sont bien gardés de crier au racisme d’État envers leurs compatriotes de Gironde ou d’Auvergne.
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Des régions pas assez créoles et trop « plouc » à leur goût? Peut-être, et c’est tant mieux ainsi. Si demain la préfecture de l’Eure met bout à bout une dizaine de pommes à cidre pour représenter le mètre protecteur, je n’espère pour rien au monde que des assainisseurs crient en chœur au racisme anti-normands sur Twitter. Il n’empêche qu’en ces temps difficiles, il serait agréable que certains se dérident un peu et calment leurs aigreurs.
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