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Colum McCann publie avec Diane Foley "American Mother" (Fayard, 2024)


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Diane Foley, Washington, 31 janvier 2024. Son fils a été tué par Daech en 2014 © Andrew Harnik/AP/SIPA

C’était le 19 août 2014. Le journaliste américain James Foley était décapité par un terroriste islamiste en Syrie. La vidéo de son assassinat, postée sur les réseaux sociaux, avait fait le tour du monde.

Une première œuvre non fictionnelle pour Colum McCann

Dix ans après les faits, le romancier Colum McCann prête sa voix à Diane Foley, la mère de James. En résulte un livre choc à mi-chemin du témoignage et de l’enquête, dans lequel le romancier se met sciemment en retrait, signant ainsi sa première œuvre non fictionnelle. Le livre s’ouvre sur une scène quasiment surréelle. Le face à face entre la mère de James et le bourreau de son fils, Alexanda Kotey, « ex-citoyen britannique. Ex-soldat de Daech et membre en son sein, d’un groupe surnommé par les journaux les Beatles. Ex-dealer. Aujourd’hui incarcéré. Citoyen de nulle part. Un homme désormais voué à passer sa vie dans une petite pièce d’où l’on ne peut s’échapper. » La famille et les amis de Diane ont tenté de la dissuader de se confronter à l’assassin de James. Elle ne les a pas écoutés. Elle devait y aller. Elle ne savait pas pourquoi mais elle le devait. Alexanda Kotey, lors de son procès, deux mois plus tôt, a affirmé ne pas avoir été présent lors de l’exécution de James. Ne pas l’avoir égorgé. Ne pas avoir filmé la scène dans le désert. Il a aussi prétendu ne pas avoir été là quand la tête coupée de son fils a été reposée sur son dos. Accusé d’avoir participé à l’assassinat de James, il a toutefois plaidé coupable. Ce que cherche Diane, à l’occasion de cette confrontation, elle ne le sait pas elle-même. Pendant un an, Colum McCan va suivre cette femme brisée par la mort de son fils. Il va la voir se relever au prix d’une volonté inimaginable. Se battre avec le gouvernement Obama. Monter une association, la fondation James W. Foley, pour venir en aide aux otages du monde entier. Prier pour trouver la force de pardonner.

Les États-Unis ne paient jamais de rançon

C’est ce long chemin que raconte l’écrivain. Depuis l’enfance de James, petit garçon curieux, avec une tendance aux troubles de l’attention. Puis jeune homme idéaliste qui, avec le journalisme, a trouvé un métier qui le passionne et donne du sens à sa vie. En novembre 2012, première arrestation au Liban. Mais son désir de repartir au front prend le dessus. Et il part en Syrie. Pendant les deux années qu’ont duré sa détention, Diane n’a cessé de se battre pour sa libération. « J’ai rendu visite, dit-elle, à des ambassadeurs, des dignitaires, des bureaucrates et des personnalités politiques de tous niveaux. J’ai rencontré l’ambassadeur de Syrie, Bachar Jaafari, à deux reprises. Au département d’État et aux Nations unies, j’ai imploré de l’aide. »

Partout la même réponse : les États-Unis ne verseront pas de rançon. Ils ne négocieront pas. C’était, selon eux, la meilleure manière de protéger les citoyens américains. Magnifique récit sur le pardon et la compassion, témoignage bouleversant, American Mother est un livre dont on ressort profondément ébranlé. Une leçon de courage et de résilience sans précédent.

American Mother, Colum McCann avec Diane Foley, Belfond, 2024.




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Alexandra Lemasson est critique littéraire. Elle collabore au JDD et à la Revue des deux mondes. Elle est l'auteur de : Virginia Woolf aux Editions Gallimard et La petite folie aux Editions Léo Scheer.

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