À trois reprises dans son discours à l’Université du Caire, le Président Barack Obama a donc dénoncé les pays qui, en Occident, jugent indésirable le port du voile islamique dans certaines circonstances de leur vie sociale. Cela m’inspire deux réflexions.
Qu’ils soient dirigés par Obama, Bush, Clinton ou un autre, les Etats-Unis ne changent pas : ils placent le respect des religions – au sens large du terme – au dessus de toute autre considération. Le 11 septembre a été d’autant plus mal ressenti aux Etats-Unis que ce pays est loin d’être le plus mécréant de la Terre. Sur le dollar est inscrit « In God we trust » ; le président prête serment sur la Bible ; chaque campagne présidentielle est un concours de foi chrétienne. Et les Américains de se poser la question : pourquoi nous ? Nous, qui avons armé jusqu’aux dents les islamistes de tout poil, nous qui les avons aidés à bouter les Infidèles russes hors d’Afghanistan, nous qui avions mis la pâtée au mécréant Saddam et qui avions déjà les plans pour une prochaine invasion de l’Irak[1. Qui eut lieu aussi, comme chacun sait.]. Trop injuste ! C’est pourquoi une expédition punitive fut organisée pour pourchasser Oussama Bin Laden avec lequel la CIA entretenait de solides relations depuis la guerre russo-afghane.
En matière de rapports entre religions et politique, la France et sa conception laïque ne sont pas comprises par le monde anglo-saxon. Interdire le voile à l’Ecole, c’est absolument contraire à toute la tradition d’un Américain. Même dans sa lutte contre les sectes, la France s’est souvent vue mise à l’index par les autorités américaines qui n’ont jamais goûté la manière dont l’Eglise de scientologie, organisation on ne peut plus respectable pour Washington, est traitée chez nous.
Mais il n’aura échappé à personne que notre pays est aujourd’hui dirigé par un homme qui ne cache pas son admiration pour le Modèle américain. Tout d’abord, il a souvent expliqué en quoi la laïcité française lui semblait rigoriste et qu’il convenait de la « positiver ». C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’il prévoyait un échec cinglant de la loi de 2003 proscrivant les signes religieux à l’école dont il s’est ostensiblement démarqué[2. Aujourd’hui, il ne la remettra pas en cause sans une condamnation de l’opinion en général et de son électorat en particulier. Car cette loi est incontestablement un succès.].
C’est aussi dans cet « esprit d’ouverture » qu’il prononça des discours à Latran et à Riyad qui, effectivement, se situent davantage dans la tradition anglo-saxonne de confusion entre vie privée et vie publique que dans celle, française, de séparation stricte entre les deux. Il a également entamé le « retour dans la famille occidentale[3. Ce sont les mots employés par le président lui-même.] » par le geste fort symbolique de retour dans les structures intégrées de l’OTAN. On a souvent eu tort de limiter cette décision aux thèmes de la Défense et de Diplomatie. Elle recouvrait dans son esprit davantage : une adhésion culturelle au concept d’occidentalisme. C’est une manière pour Nicolas Sarkozy d’en finir avec l’originalité de la France, une originalité qu’il a toujours tenue pour vieillotte, ringarde, anachronique, que sais-je encore.
Je n’en veux pas à Barack Obama. Il est le président des Etats-Unis et il continue imperturbablement la politique de son pays, avec des moyens beaucoup moins balourds que son prédécesseur. Il se voit en chef de l’Occident et se conduit comme tel. Je suis davantage en colère après le chef d’Etat de mon pays, qui tourne le dos à son Histoire, à son originalité, à son indépendance.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !