Cannabis. « On ne va pas légaliser cette merde », pérore le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans les médias. En attendant, l’amende forfaitaire de 200€ promise aux consommateurs a peu de chance d’être appliquée, comme le montre une note de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice tombée entre nos mains.
La mise en place d’une amende forfaitaire de 200€ visant les consommateurs de cannabis, une des annonces phare de la rentrée, serait-elle un « enfumage » ? Censée désengorger les tribunaux, et selon Jean Castex « lutter contre les points de vente qui gangrènent les quartiers », la mesure semble être en réalité d’une efficacité toute relative. Dans un document que nous avons pu consulter, à destination des procureurs et émanant du Ministère de la Justice – texte signé par la directrice des affaires criminelles et des grâces Catherine Pignon–, on comprend que les conditions de verbalisation vont donner du fil à retordre aux forces de l’ordre.
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En effet, sont déjà exclus les mineurs, et les cas relevant d’une multiple infraction. Mais les exceptions ne s’arrêtent pas là. On apprend avec stupeur que le procès-verbal ne peut être dressé si la personne conteste la procédure ; ou encore, que la destruction de la drogue ne peut avoir lieu sans son accord:
« Conçu comme un dispositif simple et n’ayant pas vocation à générer un contentieux important, le recours à l’amende forfaitaire sera écarté en cas de contestation par le mis en cause de la matérialité des faits, ou de son refus de renoncer aux droits attachés à la confiscation et à la destruction des stupéfiants et matériels saisis »
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Dans ces cas, retour à la procédure normale – confiée au parquet – avec la mansuétude des juges qui débouchera dans le pire des cas sur une ordonnance pénale du même montant, ou au mieux pour l’incriminé, l’ensevelissement de son dossier sous des milliers d’affaires non-traitées.
D’après plusieurs témoignages, les policiers en charge des contraventions s’arrachent déjà les cheveux. On découvre que « les conducteurs de véhicule terrestre à moteur », ainsi que les contrevenants en possession de différents produits – et donc suspectés de polytoxicomanie –, sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, ne sont pas concernés par le texte. Par ailleurs, la mesure ne s’applique pas pour la détention d’héroïne.
Toi pas comprendre, toi pas d’amende !
Page 5 du document, un détail qui va provoquer la jalousie des détenteurs d’un Bac L attire notre attention : « Ainsi, la procédure d’amende forfaitaire ne devra pas être mise en œuvre lorsque la personne présente des difficultés de compréhension du fait de son absence de maîtrise suffisante de la langue française ».
J’ai peur d’avoir bien compris. Mais si toi pas comprendre, toi pas d’amende ! Sans rire, cette distinction entre contrevenants est-elle constitutionnelle ? Je le répète, lorsque les forces de l’ordre ne verbalisent pas le consommateur, le contrôle est théoriquement suivi d’une procédure. Néanmoins, rien ne nous assure que la sanction – si, un jour, elle est prononcée ! – ne sera à la hauteur de l’amende forfaitaire. Il est donc dans l’intérêt du consommateur de ne pas avoir à régler sur-le-champ.
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La dichotomie entre le discours du gouvernement – en apparence déterminé à éradiquer la délinquance – et les textes transmis en interne aux procureurs ne présage aucune avancée sécuritaire. Il y a quelques jours, Gérald Darmanin le répétait pourtant avec fermeté sur le plateau de BFM : « Vous avez un joint, quelques grammes de cannabis, vous avez une amende immédiatement ». Après analyse des instructions du Ministère de la Justice, permettez-moi de douter du caractère automatique de la sanction ! C’est à se demander si le virage à droite du président Macron n’est pas une vaste fumisterie ?
Ci-dessous la dépêche du Ministère de la Justice
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