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Hongrie: l’ambassadeur de France défend Orban, il est limogé

Médiapart venait de publier sa note confidentielle


Hongrie: l’ambassadeur de France défend Orban, il est limogé
Emmanuel Macron à Rome, juin 2018. SIPA. 00865476_000046

L’ambassadeur de France en Hongrie a été remplacé, samedi, quelques heures après la publication par Médiapart d’une note confidentielle dans laquelle il défendait le Premier ministre hongrois Viktor Orban… 


Éric Fournier, ambassadeur de France en Hongrie, a été sèchement remercié, samedi 30 juin, et remplacé illico par Pascale Andréani. Jusque-là, rien d’anormal. Un poste d’ambassadeur, comme celui de préfet ou de recteur d’académie, est à la totale discrétion du pouvoir exécutif, seul juge de l’opportunité de nommer ou de démettre ces hauts fonctionnaires chargés d’appliquer la politique du gouvernement.

Médiapart à la baguette

Il est inédit, en revanche, et fort inquiétant, que ce limogeage express survienne vingt-quatre heures après la publication par Médiapart, d’extraits d’une dépêche diplomatique adressée par Éric Fournier à la direction de l’Union européenne du Quai d’Orsay. Dans cette note, Éric Fournier développait une analyse prenant le contrepied de la ligne suivie par l’Elysée et le ministère des Affaires étrangères à l’égard du Premier ministre hongrois Viktor Orban, ligne qui serait, selon lui, l’expression d’une « magyarophobie » aveuglant la classe politique et les grands médias européens. Il loue les visions prémonitoires et l’habileté tactique d’Orban, fougueux porte-parole du « groupe de Visegrad », ces nations d’Europe centrale refusant de se laisser imposer par Bruxelles des quotas de migrants sur leur sol. L’ambassadeur récuse aussi le procès en antisémitisme intenté  au leader hongrois, en arguant que les responsables de la communauté juive de Hongrie ne voit pas du tout les choses de cette  façon, et déplore cette mise au ban de Viktor Orban par une partie des gouvernements de l’Union européenne (UE).

Cette note diplomatique est, d’évidence totalement « politiquement incorrecte » à l’heure où Emmanuel Macron construit Viktor Orban en ennemi public numéro un au sein de l’UE, et essaie de mobiliser ses partenaires contre « la lépre populiste » qui menace l’Union.

Fuite de liberté

Que l’on soit ou non d’accord avec l’analyse de Fournier n’est pas le problème : j’aurais, pour ma part, quelques solides objections à formuler sur les méthodes de gouvernement de Viktor Orban, et sa conception ethnocentrée de la nation magyare. Ces objections se fondent sur de nombreux voyages effectués dans ce pays, dont les comptes rendus figurent dans des revues spécialisées en politique internationale.

Il est en revanche intolérable que sa révocation survienne sur la base d’une fuite, vraisemblablement interne au service diplomatique français, concernant une dépêche diplomatique adressée dans les règles par un ambassadeur à son administration. Expédiées chiffrées, ces dépêches sont réputées confidentielles, et la loi stipule que leur ouverture au public ne peut survenir qu’à l’issue d’un délai de trente ans. Cette garantie est la condition qui permet à nos diplomates en poste à l’étranger de s’exprimer librement, sans langue de bois, ni souci de plaire ou de déplaire aux gouvernements en fonction. Cette liberté est d’ailleurs, pour tout pouvoir démocratique, d’une indéniable utilité : c’est un élément qui lui permet, parmi d’autres d’organiser son action en fonction d’une pluralité de points de vue sur une situation concrète.

L’ambassadeur en poste n’est pas, au sein de l’administration le seul connaisseur de la Hongrie. De plus, des experts de ce pays attachant, universitaires, journalistes ou Français expatriés dans ce pays contribuent également à l’information de ceux qui ont la responsabilité de définir et mettre en œuvre la politique de la France vis-à-vis de la Hongrie.

L’ambassadeur n’a rien à se reprocher

En rédigeant sa note, Éric Fournier faisait son travail, rien que son travail, dans le strict respect des usages diplomatiques. Emmanuel Macron en avait d’ailleurs pris acte, en déclarant le jour des révélations de Médiapart : « Il s’agit d’une note dont la nature est confidentielle, et ce n’est pas l’expression de la position politique française. Cet ambassadeur aurait publiquement tenu ce propos, il aurait été révoqué sur-le-champ. Il appartiendrait à l’autorité de révoquer un ambassadeur parce qu’il dit ce qu’il pense ? Je ne le crois pas. Ou alors, nous créerions un délit d’opinion au sein de la fonction publique. Si la preuve m’est donnée que cette parole a été tenue publiquement, cet ambassadeur sera révoqué. »

Quelques heures plus tard, cependant, le décret de révocation tombait, sec comme un couperet de guillotine, sans que ne soit publiquement communiquée cette fameuse preuve d’une grave entorse d’Éric Fournier aux règles de sa fonction. C’est peu dire que cette affaire suscite une vive émotion dans le milieu des diplomates français, y compris de ceux qui ne partagent pas les options de cet ambassadeur, réputé proche de la droite.

Plenel siffle, Macron accourt 

« Si nous n’avons plus la garantie que nos dépêches demeurent confidentielles, nous n’écrirons plus que des notes susceptibles de conforter les idées, et les préjugés des gouvernants en place », nous confie l’un d’entre eux, qui a exercé récemment ses talents dans les postes les plus prestigieux du Département. « Déjà, en temps ordinaires, il ne manque pas, hélas, de collègues qui, par opportunisme et souci de carrière préfèrent conforter les dirigeants politiques dans leurs erreurs ou leur ignorance, Si le cas Fournier fait jurisprudence, notre courrier diplomatique se résumera à la langue de bois et à la flagornerie envers le président ou ses ministres… ».

Que penser aussi de l’impunité qui, très certainement, va s’appliquer à ceux qui ont divulgué le contenu d’une dépêche diplomatique, provoquant ainsi une crise de confiance généralisée au sein d’une administration essentielle à la défense des intérêts de la France ? Peut-on, en l’espèce, invoquer une nécessité supérieure à l’application de la loi qui dévoilerait des agissements d’un haut fonctionnaire mettant en danger notre sécurité ? Il sera bien difficile de brandir cet argument ! La France mérite-t-elle vraiment d’être gouvernée par Edwy Plenel ?



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