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Allons nous faire voir chez les Grecs !


Allons nous faire voir chez les Grecs !
Relève de la garde de la tombe du soldat inconnu, Athènes.
Relève de la garde de la tombe du soldat inconnu, Athènes.
Relève de la garde de la tombe du soldat inconnu, Athènes.

Angela Merkel, qui pressure son peuple pour gonfler son commerce extérieur, fait les gros yeux et dit tout haut ce que les banquiers centraux pensent tout bas. Si les Grecs, avec leur indolence méditerranéenne, leurs îles où l’on boit l’ouzo en grignotant du poulpe grillé, avec leur jeunesse à la tête tellement près du bonnet de l’evzone qu’elle renouent chaque année avec une ferveur émeutière que l’on croyait oubliée, leurs vieillards communistes qui ont descendu le drapeau nazi de l’Acropole en 41 et se font aujourd’hui tabasser par des flics sous-payés et donc normalement corrompus, si ces Grecs là, donc, ne font pas un effort, ils seront punis.

Comment ? En envoyant l’aviation de l’Otan comme chez leurs voisins serbes il y a quinze ans ? Ah, qu’elle était étonnante, cette photo d’un avion de l’Otan, siglé de la croix de fer toujours en vigueur dans la Lutwaffe, qui s’était fait descendre aux environs de Belgrade par ces salopards de purificateurs ethniques. Peu importe d’ailleurs qu’ils aient été, les Serbes comme les Grecs, les seuls peuples des Balkans à résister contre les nazis tandis que les Croates sous la direction d’Ante Pavelic s’engageaient à tour de bras dans la SS et que les Bosniaques, eux allèrent s’entrainer pour la SS Bosna du côté de Villefranche dont le maire était le jeune Robert Fabre et dont les habitants furent vivement étonnés de voir « des Allemands qui priaient comme nos Arabes. »

Non, on ne va pas les punir de cette manière, trop de mauvais souvenirs. Et puis avec les Grecs on ne sait jamais. Depuis les Thermopyles, on se méfie. On se souvient que des milliers de Perses ont cru qu’ils écraseraient sans mal ces pédérastes qui ne pensaient qu’à la philosophie et à la poésie et qui s’étaient retrouvés face à trois cents gonzes, bien décidés à leur faire payer cher, très cher, le droit de passage.

Mussolini aussi en a su quelque chose, lui qui a cru les gober en 1940 et s’est retrouvé honteusement raccompagné à sa propre frontière par une armée pourtant équipée comme en 1870. Imaginez un peu, tout de même, l’UE ordonnant le bombardement d’Athènes, de Delphes et de notre chère Argolide pour dépassement du déficit autorisé par Bruxelles. Surtout que ce n’est qu’à moitié leur faute, tout de même, aux Grecs. Ils sont comme nous, finalement. Ils ont eu des banques atteintes par l’encéphalite financière spongiforme, des traders autistes et avides, des fortunes bâties tellement vite qu’elles ont dû énerver Eole qui a fait tourner le vent. Et voilà maintenant qu’on leur demande de payer. Enfin qu’on demande au peuple grec de payer, nuance.

Mais le peuple grec, lui, passez-moi l’expression, il n’en a rien à battre. Le réel, dit quelque part Lacan, c’est quand on se cogne. Eh bien voilà, c’est fait, Angela Merkel se cogne. Ou plutôt, elle est la première à le dire et à dire aussi que ça fait mal. Parce que de manière assez étonnante, ce sont ceux qui vivent dans l’irréalité totale des marchés comme les esclaves de la caverne de Platon qui viennent expliquer aux gens le « réalisme économique » : pour combler nos déficits, on va réduire vos retraites, vos salaires, votre sécu.

Et le Grec lui, il dit non, no, nicht, occhi !

Et il a bien raison. C’est l’Euro, la fiction : la preuve, les billets ne représentent que des monuments virtuels alors que nous sommes le continent de tous les lieux, de tous les noms.

Et si Angela Merkel ne menace pas les Grecs de bombardements massifs, elle croit leur faire encore plus peur en envisageant une exclusion de l’Euro.

Quel effet cela peut faire d’être exclu d’une fiction, du mauvais rêve d’une société endormie ? Si ça se trouve, ce seront de joyeuses retrouvailles avec le réel dans le matin profond. On les envierait presque les Grecs de bientôt renouer avec le drachme et la raison, comme la chouette de Minerve qui prend son envol hégélien alors que le soir tombe déjà sur cette Union qui n’en fut jamais une.

Et puis, il ressemblera à quoi, l’Euro, sans les Grecs ? A une monnaie blonde pour protestants aux yeux bleus ? C’est ça ? Vraiment ?

Bon, d’accord mais alors dites moi quand est le prochain vol pour Athènes, que je le prenne avant le blocus.

Avril 2010 · N° 22

Article extrait du Magazine Causeur



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