En octobre 2017, un député LREM proposait un amendement visant à supprimer l’universalité des allocations familiales. Le Premier ministre lui-même, ainsi que le ministre de l’Economie – transfuges de la droite – confirmaient que la question était d’actualité. Une fois de plus sous pression, montrées du doigt par ceux qui raisonnent à petite vue, les familles sont inaudibles dans les médias, souvent caricaturées ou montrées du doigt. Pendant ce temps, la droite reste étrangement muette. Trop muette. Paradoxale et sidérée.
Soutenir la famille, une question de bon sens
Faire un enfant est un engagement d’au moins un quart de siècle. L’accompagner, l’élever, le construire a un coût pour toute famille. Cet enfant devenu autonome contribuera au fonctionnement de notre système social pendant un demi-siècle. C’est ainsi qu’en l’absence d’un important système public de compensation des charges familiales, les personnes sans enfant bénéficieront d’un meilleur niveau de vie durant leur vie active et auront leurs retraites financées par les enfants que les autres auront porté, soutenu et élevés. Soutenir les familles devrait être sans équivoque une politique prioritaire et de bon sens.
La seule prise en compte du revenu pour traiter d’une politique familiale est injuste, car les familles nombreuses sont plus pénalisées que d’autres. Il faut prendre en compte le nombre de personnes dans un ménage, ainsi que les dépenses liées à sa composition, les familles bi-actives devant engager des frais de garde, concilier vie professionnelle et familiale sont frappées de charges considérables et exponentielles en fonction du nombre d’enfants et de leur avancée dans l’âge. Huit Français sur dix ressentent au sein de ces familles une strangulation fiscale progressive (Ifop 2016). Enfin, au lendemain du lancement d’un plan égalité homme-femme, on ne peut pas en même temps promouvoir l’égalité au sein d’un couple, et tout faire pour que la seule issue soit que l’un des membres – en général la femme – soit condamné à rester au service du foyer, sans quoi l’addition de deux revenus pénaliserait l’aide apportée par l’Etat et la société.
La paupérisation des familles est en marche
Le système de protection sociale français repose sur la solidarité collective. La formule est simple : le revenu primaire des ménages est prélevé d’impôts et cotisations obligatoires (c’est le moins), mais se trouve alimenté de prestations sociales (ce serait le plus), ce qui nous donne au final le revenu disponible des ménages, autrement dit ce qu’il leur reste pour consommer ou épargner. Les dernières mesures gouvernementales ont augmenté ce qui est prélevé et diminué ce qui est donné aux familles. La paupérisation des familles est engagée et inévitable. Triste conséquence : depuis 2015, notre natalité baisse. Or tout notre modèle de répartition des retraites est fondé sur un principe majeur : une natalité dynamique qui permettra à l’avenir de continuer à financer ce système.
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Le vieillissement de l’Europe et le problème démographique de notre continent peuvent être réglés pour assurer la pérennité de notre système de deux manières : par l’apport migratoire ou par de vraies politiques familiales. La première solution est une charge cachée derrière une prestation de service immédiate et d’apparence salutaire (et nous n’évoquons pas ici les effets secondaires non maîtrisés). En revanche, une politique familiale audacieuse est un effort financier comparable à un investissement à haut rendement futur. En somme: un choix politique !
Pour Macron (et la droite), la famille n’est pas une priorité
A l’heure où nous sommes face à un enjeu civilisationnel européen, où les familles sont malmenées par leur appauvrissement économique, le délitement des liens, l’individualisme, par les séparations, il est urgent que la droite s’empare de ce sujet et parle sans honte du premier maillon qui structure notre société : la famille. C’est un sujet qui nous concerne tous, quels que soient nos choix de vie, nos opinions, notre vécu. L’universalité du droit aux allocations familiales doit être réaffirmée car elle maintient pour partie l’équilibre du niveau de vie entre ménages sans enfant et ménages ayant des enfants à charge. Le droit aux allocations familiales (non imposables et sans condition de ressources) doit être assuré dès le premier enfant. Voici le sine qua non que devrait porter a minima une droite courageuse.
Dans une interview au Figaro, Emmanuel Macron reconnaissait la politique défavorable à la famille du gouvernement dont il avait été ministre, tout en la maintenant en dehors de ses choix budgétaires d’avenir: « Il faut reconnaître qu’on a modifié à la fois le quotient familial et les allocations familiales. Ce n’était pas l’engagement initial. Cela a été vécu comme une politique défavorable à la famille. Mon souhait est de préserver la capacité de vivre bien dans une famille, en France. C’est une priorité, même si ce n’est pas pour l’instant dans ma trajectoire budgétaire ».
Si la priorité de l’actuel président est « de préserver la capacité de vivre bien dans une famille, en France », il sera heureux d’apprendre que cela tient souvent à des choses qui le dépassent, mais qu’en revanche il ne dépend que de lui que les familles vivent mal en France. Pendant ce temps, la droite continue de se taire. Paradoxale et sidérée.
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